Délégation française à l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe

Réunion du jeudi 12 avril 2018 à 11h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence de Mme Nicole Trisse, députée, présidente

La séance est ouverte à 11 heures 30.

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Chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir et d'entendre aujourd'hui MM. Alexis Lamek, Directeur des Nations Unies et des Organisations internationales, et Mikaël Griffon, délégué aux fonctionnaires internationaux, au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ils sont accompagnés pour l'occasion par Mme Florence Cormon-Veyssière, sous-directrice des droits de l'Homme et des affaires humanitaires, en charge du suivi du Conseil de l'Europe, ainsi que par M. Aurel Treizenem, membre de cette sous-direction et correspondant sur les questions touchant au Conseil de l'Europe, et Mme Philippine Brygo, rédactrice en charge du suivi des Organisations internationales basées en France au sein de la délégation aux fonctionnaires internationaux.

Monsieur le Directeur, Monsieur le Délégué, Mesdames et Monsieur, je vous souhaite la bienvenue au Sénat, où nous nous réunissons avec plaisir pour vous entendre.

Rattachée à la direction générale des affaires politiques et de sécurité, la direction des Nations Unies et des Organisations internationales (DNUOI) contribue à la mise en œuvre de l'action de la France à l'égard des Organisations internationales et des Organisations intergouvernementales à vocation mondiale. Elle participe aussi à la définition de la politique générale et des contributions de notre pays à l'égard de ces mêmes Organisations.

Nos échanges de ce matin, Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs, ne porteront que sur l'une des Organisations internationales qui relèvent de votre champ de compétences, à savoir le Conseil de l'Europe. Il ne s'agit toutefois pas de n'importe laquelle des Organisations internationales car c'est l'une des plus anciennes en activité et également l'une des seules dont le siège est situé sur notre territoire national, à Strasbourg, dont le Conseil de l'Europe contribue à asseoir la dimension de « capitale européenne ».

En notre qualité de membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, nous sommes tous très attachés à ce que la France reste attentive au rayonnement, à la pérennité et à l'avenir de cette Organisation internationale. Nous nous réjouissons donc que l'exécutif français ait émis des signaux très forts en ce sens depuis le mois de mai 2017.

Toutefois, nul n'ignore ici que le Conseil de l'Europe est aujourd'hui frappé par plusieurs crises. Une crise existentielle, tout d'abord, liée aux dénis démocratiques de plus en plus manifestes de certains Etats membres et, il faut bien l'avouer, aux sanctions prises par l'APCE à l'encontre de la délégation de la Fédération de Russie à la suite de l'annexion de la Crimée. Une crise budgétaire, ensuite, qui résulte de la fragmentation en cours de l'Organisation.

Parallèlement à ces crises, nous avons le sentiment que l'influence française au sein du Conseil de l'Europe est en recul. Le français, qui est la deuxième langue officielle de l'Organisation, perd du terrain par rapport à l'anglais ; nous le constatons, à notre niveau, dans les débats de l'APCE, mais aussi dans nos échanges avec les principaux responsables du Conseil de l'Europe. Par ailleurs, en dépit de l'« aura » de notre pays en matière de droits de l'Homme, les Français ne parviennent plus à occuper les responsabilités les plus éminentes dans l'Organisation ; j'en veux pour preuve l'échec de la candidature de M. Pierre-Yves Le Borgn' au poste de commissaire aux droits de l'Homme, dans des circonstances pour le moins contestables.

Votre audition de ce matin, Monsieur le Directeur et Monsieur le délégué, vous offre l'occasion de nous livrer votre analyse sur ce ressenti. Elle vous permettra aussi de nous présenter la stratégie d'influence que vous poursuivez pour maintenir le plus de réceptivité possible au sein du Conseil de l'Europe à l'égard des préoccupations françaises en matière de droits de l'Homme et d'Etat de droit en Europe.

Peut-être pourrez-vous également nous dire un mot de la préparation par la France des échéances importantes qui se profilent et, plus particulièrement, de l'élection du Secrétaire général du Conseil de l'Europe en 2019, ainsi que de celle du juge français à la Cour européenne des droits de l'Homme en 2020 ? Enfin, nos échanges vous donneront l'opportunité de nous faire connaître votre appréciation sur les enjeux et défis actuels qui concernent le Conseil de l'Europe et dont j'ai précédemment fait état.

Je vous laisse à présent la parole pour vous permettre de nous livrer vos réflexions liminaires puis nous aurons, si vous le voulez, bien un échange sous la forme de questions des membres de la délégation et de réponses de votre part.

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Alexis Lamek, Directeur des Nations-Unies et des Organisations internationales au ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Mesdames et Messieurs les Députés, je vous remercie de l'opportunité qui nous est donnée de dialoguer avec vous au sujet du Conseil de l'Europe, initiative particulièrement importante dans le contexte difficile que nous connaissons. Certes, ce n'est pas la seule Organisation internationale sur notre territoire, mais elle a joué un rôle important dans la construction européenne.

Vous l'avez dit, le Conseil de l'Europe est actuellement en crise, victime comme d'autres Organisations de la méfiance à l'égard du multilatéralisme exprimée par de plus en plus de pays. Les mêmes difficultés se posent dans toutes les enceintes internationales, au Conseil de sécurité des Nations Unies, particulièrement depuis le début de la crise syrienne naturellement, mais aussi dans d'autres enceintes comme l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Le Conseil de l'Europe est toutefois particulièrement touché puisqu'il est à la croisée de plusieurs évolutions inquiétantes au niveau international.

Première évolution préoccupante : le scepticisme à l'égard des structures supranationales, voire leur rejet, particulièrement lorsque leurs décisions ont force obligatoire. Ainsi la Cour européenne des droits de l'Homme subit-elle des attaques de plus en plus fortes et nombreuses : critiquée par des mouvements politiques qui menacent de sortir du système de la Cour, y compris au sein de certains Etats occidentaux, elle est également affaiblie par des Etats qui refusent de mettre en œuvre certaines de ses décisions. La Russie se réfère à sa loi de 2015 autorisant la Cour constitutionnelle à juger de la conformité à la Constitution russe d'une décision d'une juridiction internationale pour refuser d'exécuter l'arrêt « Ioukos ». Le cas de l'affaire « Ilgar Mammadov » et l'attitude de l'Azerbaïdjan sur ce dossier sont également significatifs. La tentation existait au sein de certains Etats membres de faire de la déclaration de Copenhague – adoptée aujourd'hui même par les 47 États membres – un moyen de limiter les capacités de contrôle des décisions des juridictions nationales par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Cette menace a été écartée : le document final met en avant l'indépendance et l'autorité de la Cour.

Deuxième évolution inquiétante : le développement d'un discours relativiste dans le domaine des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui vise à remettre en cause l'universalité des droits. Au sein du Conseil de l'Europe, il existe des dissensions sur la conception des droits de l'Homme qu'ont les différents Etats. Il devient parfois difficile de s'accorder sur certains sujets, y compris entre Etats membres de l'Union européenne. Les thèmes relatifs aux droits des femmes, aux droits sexuels et reproductifs, aux droits des personnes LGBTI sont particulièrement sensibles.

Troisième tendance préoccupante : les tensions entre la Russie et le reste de l'Europe, qui s'expriment avec une force renouvelée depuis l'affaire de Salisbury, mais qui trouve d'abord sa source dans l'annexion illégale de la Crimée en 2014 et l'agression russe dans l'Est du pays. C'est bien sûr la plus grande difficulté à laquelle est confronté le Conseil de l'Europe aujourd'hui. Les tensions sont allées en s'accentuant depuis 2014. Surtout, vous le savez, nous sommes entrés dans une véritable crise depuis la décision de la Russie, annoncée le 30 juin 2017, de suspendre sa contribution financière au Conseil de l'Europe « jusqu'au rétablissement des droits de sa délégation parlementaire à l'APCE ».

Cette décision russe qui a, il faut le reconnaître, tout d'un chantage, a engendré une double crise pour le Conseil de l'Europe.

Tout d'abord, une crise budgétaire, puisque la décision russe a engendré un manque de 20 millions d'euros en 2017 et risque également d'amputer le budget 2018 de 32 millions d'euros si la Russie ne rétablit pas sa contribution dans les mois qui viennent. Ce volet de la crise se fait sentir d'autant plus durement que la Turquie a décidé, à la fin de l'année dernière, de revenir sur son statut de grand contributeur et donc de diminuer de 20 millions d'euros sa contribution. Si le choix turc reste conforme aux statuts, ce n'est pas le cas pour celui de la Russie. Pour l'année en cours, 20 millions d'euros d'économies ont dû être trouvés, ce qui a impacté toutes les activités du Conseil de l'Europe, de manière à peu près équivalente, même si nous avons cherché d'abord à préserver l'activité de la Cour et des organes de suivi. Le personnel de l'Organisation sera également touché. Si rien n'est fait, cette situation va s'aggraver.

Cette décision russe a également provoqué une crise politique, puisque le risque est de voir les tensions s'accroître jusqu'à la rupture. En effet, le statut du Conseil de l'Europe prévoit à son article 9 que « si un Membre n'exécute pas ses obligations financières, le Comité des Ministres peut suspendre son droit de représentation au Comité et à l'Assemblée ». Le Comité des Ministres a décidé, en novembre 1994, que l'article 9 du Statut sera appliqué à tout Etat qui n'aurait pas exécuté ses obligations financières pendant une période de deux ans.

Nous avons donc une contrainte de temps qui est forte pour trouver une solution dans les mois qui viennent. La crise politique est également renforcée par les difficultés que pose la Turquie, dans le cadre des actions mises en œuvre par le pouvoir depuis la tentative de coup d'Etat de juillet 2016. Le Conseil de l'Europe ne ménage pas ses efforts pour maintenir le dialogue avec la Turquie et l'encourager à respecter l'ensemble de ses obligations. Mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. Il est à craindre que les tensions aillent en s'accroissant dans les mois et les années qui viennent, avec les nouveaux arrêts qui seront rendus par la Cour européenne des droits de l'Homme et la perspective des élections en 2019.

Enfin, les relations du Conseil de l'Europe avec l'Azerbaïdjan sont également complexes. Au-delà de l'affaire Mammadov, le pays est soupçonné d'être impliqué dans des affaires de corruption au sein de l'APCE. Il n'est pas à exclure que le rapport du groupe d'enquête, prévu en avril, entraîne une réaction virulente de Bakou. Ces affaires ayant contribué à la démission du président Agramunt ont été largement relayées par la presse.

Face à cette crise budgétaire et politique, la France doit jouer pleinement son rôle, en portant ses deux priorités pour le Conseil de l'Europe :

- en premier lieu, préserver la capacité de l'Organisation à protéger et défendre les droits de l'Homme sur le continent européen ;

- en second lieu, préserver sa nature paneuropéenne et sa fonction de plateforme de dialogue entre tous les Etats européens.

Pour pouvoir jouer ce rôle, notre pays doit conserver une influence et une place centrale dans l'Organisation. J'en viens donc au deuxième point de mon intervention, relatif à la présence et l'influence française au sein du Conseil de l'Europe.

On ne peut pas dire que l'influence de la France au Conseil de l'Europe ait été réduite au cours des dernières années. Mais nous avons conscience de la nécessité de travailler sans cesse à la maintenir et, lorsque c'est possible, à l'accroître.

La France est l'Etat de siège de l'Organisation et elle le restera. Dans ce domaine, nos objectifs sont triples : premièrement, éviter une forme de décentralisation excessive avec la multiplication de réunions de travail ou de comités en dehors du Siège ; deuxièmement, renforcer l'attractivité de la France pour le Conseil de l'Europe et les autres Organisations internationales qui s'y trouvent, en leur offrant certaines facilités ; troisièmement, encourager l'attractivité de la ville de Strasbourg même si dans ce dernier domaine l'influence du ministère de l'Europe et des affaires étrangères est marginale.

Le français est l'une des deux langues officielles du Conseil de l'Europe. Il s'agit pour nous de poursuivre un travail continu de promotion de notre langue, qui est nécessaire et pour lequel nous sommes pleinement mobilisés. Nous faisons passer régulièrement des messages à ce sujet au Secrétariat général du Conseil de l'Europe. Nous veillons et continuerons à veiller à ce que les juges à la Cour parlent français. Nous serons également attentifs à ce que les réductions budgétaires n'impactent pas la traduction et l'interprétation en langue française.

La France est aussi le premier contributeur financier à l'Organisation, avec 38,2 millions d'euros pour 2018, soit 11,5 % du budget total de l'Organisation, devant l'Allemagne avec 36,4 millions d'euros soit 11 %. Notre pays a le statut de grand contributeur. Avec le changement de statut de la Turquie qui, jusqu'à décembre 2017, était le 4èmecontributeur, et avec la suspension de sa contribution par la Russie, le poids de la France dans ce domaine se trouve encore accru.

La présence française au sein de l'Organisation est conséquente puisque le Conseil de l'Europe compte 38 % de Français dans ses effectifs, alors même que la population française représente environ 8 % de la population totale des 47 Etats membres. Certes, aux échelons les plus élevés, la place des Français diminue, mais elle reste largement supérieure à ce qui serait la part de la France proportionnelle à sa population : près de 20 % des cadres sont Français. Enfin, la France a obtenu l'année dernière la nomination de l'un de ses ressortissants au poste de Directeur général de l'administration. Je laisserai le délégué aux fonctionnaires internationaux développer ce sujet de premier plan.

La récente expérience de l'élection au poste de Commissaire aux droits de l'Homme peut certainement nous amener à nous interroger mais elle ne doit pas nécessairement être interprétée comme une perte d'influence de la France. Vous l'avez dit, les circonstances de cette élection ont été pour le moins contestables, malgré une brillante campagne menée par M. Le Borgn' avec notre soutien.

Pour toutes les raisons évoquées précédemment, et du fait de son statut international, la France a une voix qui porte au sein du Conseil de l'Europe. Elle est souvent au cœur des consultations, que ce soit par le Secrétaire général, par la Présidence en exercice du Comité des Ministres ou par les autres Etats membres.

L'influence française au Conseil de l'Europe passe aussi par vous, membres de la délégation parlementaire française, et votre capacité à influencer les débats et les textes adoptés par l'APCE. De manière générale, il importe que notre ministère travaille en bonne entente et, autant que possible, en coordination avec vous. L'exercice de ce jour y contribue.

Les échéances à venir, et en particulier la Présidence française du Comité des Ministres en 2019, seront autant d'opportunités à saisir pour renforcer l'influence française au sein de l'Organisation. Cette Présidence sera en particulier l'occasion d'avoir régulièrement une présence de haut niveau à Strasbourg.

Les autres échéances que vous avez évoquées seront également essentielles.

Tout d'abord, l'élection du Secrétaire général, en 2019, influencera fortement l'avenir de l'Organisation. Aucun candidat français à ce poste n'est pour l'heure envisagé. Notre priorité est que le futur Secrétaire général soit francophone, et qu'il ait une compétence incontestable pour occuper ce poste.

Puis, nous commençons à nous préparer à l'élection du juge français à la Cour européenne des droits de l'Homme, en 2020. L'appel à candidatures devrait être diffusé en mai 2019. Les candidatures seront transmises au groupe national français de la commission permanente d'arbitrage au début de l'été 2019 et la liste des trois candidats sera communiquée au Panel en novembre, puis à l'APCE en décembre 2019. Une réflexion visant à améliorer la qualité du processus d'ensemble, notamment en termes de transparence, au regard de l'expérience des élections de 2011, pourrait être engagée.

Je laisse maintenant la parole au Délégué aux fonctionnaires internationaux pour compléter mon propos liminaire, avant nos échanges sur les sujets que vous souhaiterez aborder.

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Mikaël Griffon, Délégué aux fonctionnaires internationaux

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Mesdames et Messieurs les Députés, je vais à présent aborder le sujet de nos compatriotes français qui travaillent au Conseil de l'Europe. La France est très bien représentée, comme l'a souligné précédemment Monsieur le Directeur, avec 38 % des effectifs, et 19,8 % des cadres, ainsi qu'un Directeur général sur les trois en poste.

La situation au sein du Conseil de l'Europe est préoccupante, du fait des développements budgétaires que nous venons d'évoquer. Tout d'abord, les conséquences immédiates se font ressentir par la désindexation des rémunérations des personnels par rapport aux autres Organisations coordonnées, comme l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) par exemple, ainsi que par un gel des recrutements.

Lors de la récente mission que je viens d'effectuer à Strasbourg, nos compatriotes m'ont également fait part des difficultés croissantes qu'ils rencontraient dans l'accomplissement de leurs missions en raison de la baisse des moyens. En effet, les moyens sont en réduction constante. Cela pèse particulièrement sur le monitoring effectué sur la situation des droits de l'Homme dans chacun des 47 Etats membres assuré par une équipe de trois personnes seulement… Or, il s'agit du cœur des activités du Conseil de l'Europe et la période incite à une vigilance particulière sur ce point.

Ensuite, ce contexte budgétaire difficile devrait emporter, s'il perdurait, des conséquences prévisibles, et notamment une diminution des emplois au sein du Conseil de l'Europe. Trois catégories de personnels travaillent pour le Conseil de l'Europe : les personnels sous contrat à durée indéterminée, qui sont les fonctionnaires internationaux comme dans toutes les Organisations internationales ; les personnels sous contrat à durée déterminée régulièrement renouvelés, qui sont des postes occupés essentiellement par les jeunes cadres effectuant un travail d'analyse et de suivi des dossiers ; et, enfin, les agents temporaires, dont les contrats ne peuvent courir que neuf mois par an. Le Conseil de l'Europe a de plus en plus recours à cette dernière catégorie d'agents pour pallier les manques et ajuster les besoins.

En termes de conséquences sociales, la catégorie la plus exposée à la crise budgétaire actuelle est celle des agents temporaires : parmi les 140 personnels sous ce statut, une centaine sont des Français. Le risque est grand qu'ils soient affectés plus que les autres catégories, et qu'ils le soient au cas par cas et sans préavis, ne découvrant le non-renouvellement de leur contrat qu'à l'issue des trois mois de carence. La présence française risque donc d'être assez impactée de ce point de vue. En ce qui concerne les personnels sous contrats à durée indéterminée, il y a une certaine probabilité que les agents qui arrivent en fin de carrière soient incités à partir avant la retraite. La direction des ressources humaines du Conseil de l'Europe indique que les personnels sous contrats à durée déterminée longue seront sans doute moins touchés car ils constituent la force vive de l'Organisation, qui ne peut se passer d'eux. De ces restrictions budgétaires risquent donc fort de découler des réductions de postes et de compliquer la situation sociale des agents de l'Organisation, qui emploie 863 de nos compatriotes.

La Délégation aux fonctionnaires internationaux a bien sûr vocation à aider les Français qui seraient touchés par les restructurations de ressources humaines à évoluer vers d'autres Organisations internationales. Les compétences qui fondent le « cœur de métier » du Conseil de l'Europe sont pour beaucoup transférables, puisque l'Organisation des Nations Unies (ONU), l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l'Union européenne et d'autres Organisations internationales travaillent sur les mêmes thématiques, contrairement à la situation qui prévaudrait en pareil cas au sein d'Organisations très spécialisées du type de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA), par exemple. En revanche, le fait que Strasbourg n'accueille guère d'autre Organisation internationale implique que les agents soient mobiles, vers Genève, Bruxelles, Vienne et New York notamment.

Si l'on considère la répartition des Français dans les postes, il est à noter que la France est très bien représentée dans les postes de cadres « juniors », ainsi que dans les postes de Directeurs avec la présence d'un Français de niveau Directeur général. En revanche, et malgré une présence tout à fait honorable comparativement aux autres Etats membres, la France est un peu moins bien représentée au niveau de l'encadrement intermédiaire où elle n'occupe « que » 10 % des postes, ce qui demeure tout de même au-dessus du quota auquel elle pourrait prétendre au regard de son seul poids démographique vis-à-vis des autres Etats membres. Voici donc en résumé la situation des Français au sein de l'Organisation.

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. Avant de passer la parole à mes collègues, je souhaiterais moi-même vous poser quelques questions.

En premier lieu, comme vous le savez sûrement, l'APCE a engagé un travail de réflexion assez large sur les règles et procédures en vigueur, permettant accessoirement d'examiner les voies éventuelles d'un retour de la délégation russe dans l'Assemblée parlementaire. Ce travail doit aboutir en décembre 2018.

De manière générale, quelles idées et principes vous semblent devoir être portés par notre délégation dans le cadre de cette réflexion, qui vise avant tout à moderniser et rendre plus efficace le fonctionnement de l'APCE, voire du Conseil de l'Europe tout entier, dans le cadre des rapports entre ses organes constitutifs ?

Par ailleurs, quel regard la DNUOI porte-t-elle, pour ce qui la concerne, sur ce processus interne à l'APCE et sur les efforts du Secrétaire général du Conseil de l'Europe pour essayer de trouver une issue aux sanctions prises à l'encontre de la délégation de la Fédération de Russie à l'Assemblée parlementaire, même si le contexte issu de l'affaire Skripal rend indéniablement les choses un peu plus compliquées désormais ?

Ma dernière question porte sur la présidence par la France du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, à partir de mai 2019. Etant donné la concomitance de ce semestre de présidence avec le 70ème anniversaire de la création du Conseil de l'Europe, j'imagine que vous travaillez d'ores et déjà la préparation de l'événement. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les priorités envisagées pour la Présidence française ?

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André Gattolin

Monsieur le Directeur, Monsieur le Délégué, je vous remercie pour ces deux exposés. Je m'interroge tout d'abord sur les moyens dont disposera l'administration française pour assurer la présidence du Comité des Ministres en 2019 au moment où auront lieu les élections européennes et où seront renouvelées les instances de l'Union européenne. C'est également à ce moment-là que l'on procèdera à l'élection du nouveau Secrétaire général - et je ne vois pas la France ne pas présenter de candidat - ainsi qu'à l'élection d'un juge français à la Cour européenne des droits de l'Homme. Concernant ces élections, celle du Commissaire aux droits de l'Homme et celle du juge espagnol qui ont eu lieu en octobre ont montré les limites de notre capacité à faire élire les personnes de notre choix. Le candidat pour lequel nous devions voter pour l'élection du juge espagnol n'est arrivé que troisième. Pour l'élection du Commissaire aux droits de l'Homme, on ne peut pas dire que nous ayons été aidés par nos collègues espagnols qui n'ont pour la plupart pas pris part au vote. Dans ce contexte, je ne peux que souhaiter que la diplomatie française s'appuie davantage sur la diplomatie parlementaire pour gagner en efficacité. Ceci est d'autant plus nécessaire que les alliances peuvent paraître improbables, comme c'est le cas pour l'élection de la candidate bosnienne au poste de Commissaire aux droits de l'Homme.

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Quelles sont les priorités pour la Présidence française du Comité des Ministres en 2019, si elles sont connues et, si elles ne sont pas encore arrêtées, quand les connaîtra-t-on ?

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Alexis Lamek, Directeur des Nations-Unies et des Organisations internationales au ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Concernant la Russie, de notre point de vue, sa vocation est de rester au Conseil de l'Europe. Cela permet de maintenir le dialogue et un cadre au sein duquel la Russie doit respecter les engagements qu'elle a pris, y compris à l'égard de ses citoyens.

Concernant la présence française à Strasbourg pour présider en 2019 le Comité des Ministres, celle-ci sera assurée à tous les niveaux. On peut imaginer que le Président de la République souhaitera se rendre à Strasbourg, probablement en octobre. Les priorités ne sont pas encore définies et n'ont pas encore été approuvées au niveau politique, mais trois thèmes ont été identifiés comme prioritaires. Un premier axe serait la défense des droits de l'Homme, avec en toile de fond la défense du système de la convention européenne des droits de l'Homme, la valorisation de la charte sociale européenne et une conférence interministérielle sur les droits des enfants, ainsi que la protection des données à caractère personnel. Un deuxième axe serait la lutte contre les discriminations et la haine avec un accent mis sur la lutte contre le racisme, le sexisme et les fausses nouvelles. Enfin, un troisième axe serait la protection face aux menaces contre l'État de droit avec une attention particulière sur la lutte contre le terrorisme, la corruption et la cybercriminalité. Des événements seront organisés autour de chacun de ces thèmes et nous reviendrons vers vous très vite pour vous détailler tout cela.

La diplomatie parlementaire peut être d'une aide précieuse pour faire élire nos compatriotes. Dans le cas de Pierre-Yves Le Borgn', il a fait une très belle campagne appuyée par nos services et, sans le détournement de l'esprit de la procédure, il aurait été élu ; le Règlement ne prévoit pas en effet qu'un candidat puisse se désister au profit d'un autre.

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Sur ce fâcheux épisode, je tiens à souligner que la délégation slovène auprès du Conseil de l'Europe voulait même intervenir en séance pendant que je présidais pour inciter à voter pour la candidate bosnienne, ce qui est inacceptable ! Fort heureusement, moi-même et le Secrétaire général de l'APCE nous nous y sommes opposés pour faire respecter le Règlement.

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André Gattolin

Un certain nombre de facteurs se sont conjugués pour arriver à ce résultat. Certains de nos partenaires n'ont pas pris part au vote ; le souhait de voter pour une femme a également joué pour certains membres de l'Assemblée parlementaire.

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Alexis Lamek, Directeur des Nations-Unies et des Organisations internationales au ministère de l'Europe et des affaires étrangères

On ne peut toutefois pas remettre en cause les qualités reconnues de la personne élue, Mme Dunja Mijatović. La France et plus particulièrement la Direction des Nations Unies et des Organisations internationales que je dirige, coopèrent pleinement avec elle.

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Le précédent Commissaire aux droits de l'Homme a écrit aux députés français pour leur faire part de sa préoccupation face au projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif présenté par le Gouvernement. Il serait souhaitable, dans de telles circonstances, que nous puissions avoir des échanges avec vous pour apporter une réponse pertinente et appropriée aux inquiétudes ainsi exprimées.

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Alexis Lamek, Directeur des Nations-Unies et des Organisations internationales au ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Nos services sont à la disposition de la délégation française pour lui fournir tout éclairage qu'elle jugerait utile pour le bon accomplissement de ses missions auprès de l'APCE et du Conseil de l'Europe.

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En septembre 2017, l'APCE avait voté une résolution appelant à la tenue d'un sommet des chefs d'État et de Gouvernement du Conseil de l'Europe. Dans le contexte actuel, l'organisation d'un tel événement est-elle toujours d'actualité ?

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Alexis Lamek, Directeur des Nations-Unies et des Organisations internationales au ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Il n'y a pas de décision à ce stade. Un sommet doit permettre de prendre des décisions pour l'avenir, de fixer un cap. Or, aujourd'hui, les conditions ne me semblent pas réunies pour cela.

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Je pense que ce sommet est tributaire du retour de la délégation de la Fédération de Russie à l'APCE et de l'apurement des arriérés budgétaires du pays à l'égard du Conseil de l'Europe.

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Alexis Lamek, Directeur des Nations-Unies et des Organisations internationales au ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Un sommet est effectivement fait pour rassembler et doit être un moment de refondation.

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Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour ces éclairages et je souhaite que la délégation puisse vous rencontrer et vous entendre régulièrement à l'avenir. Les sujets que nous avons abordés aujourd'hui le justifient.

La séance est levée à 12 h 50.

Membres présents ou excusés

Députés :

Présents. – M. Fabien Gouttefarde, Mme Jennifer De Temmerman, Mme Nicole Trisse.

Excusés. – M. Damien Abad, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Sophie Auconie, M. Olivier Becht, M. Bertrand Bouyx, Mme Yolaine de Courson, Mme Marie‑Christine Dalloz, M. Yves Daniel, M. Bruno Fuchs, Mme Albane Gaillot, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, Mme Alexandra Louis, M. Jacques Maire, Mme Bérengère Poletti, Mme Isabelle Rauch, M. Frédéric Reiss, M. Bertrand Sorre, M. Adrien Taquet, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Sylvain Waserman.

Sénateurs :

Présents. – M. André Gattolin.

Excusés. – Mme Maryvonne Blondin, M. Bernard Cazeau, M. René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. François Grosdidier, M. Guy-Dominique Kennel, M. Claude Kern, M. André Reichardt, M. André Vallini.