Intervention de Béatrice Brugère

Réunion du jeudi 6 février 2020 à 15h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Béatrice Brugère, secrétaire générale d'Unité magistrats SNM-FO :

Je ne sais pas vraiment en quoi nous serions en opposition avec ceux qui disent qu'il faut une évolution statutaire. Je dis simplement que cela ne suffira pas. Cette réforme est ridicule par rapport aux enjeux. On va simplement inscrire une pratique dans la loi constitutionnelle. C'est très bien mais, vous l'avez souligné avec beaucoup de pertinence, la justice souffre d'un déficit extrêmement fort dans l'opinion publique. La problématique de son indépendance ne se résume pas à la question du parquet, loin s'en faut. Il faut une approche globale et beaucoup plus ambitieuse : tant qu'il y aura une dépendance fonctionnelle, qui à mon avis est infondée au regard de la Constitution, ce soupçon existera. On le voit bien dans les médias : ce qui ressort toujours c'est le soupçon que les magistrats du parquet sont sous l'autorité du pouvoir politique, pas la question de l'avis conforme pour leur nomination, dont je suis d'ailleurs persuadée que personne ne sait vraiment de quoi il s'agit…

C'est tout un processus qui est en cause, c'est pourquoi notre syndicat souhaite une révision constitutionnelle « copernicienne », ce qui signifie changer le système, mener une réforme d'envergure et pas simplement procéder par ajustements, avec un « petit avis conforme ». Cette réforme se fera peut-être, et elle ne changera rien : au prochain scandale politico-médiatique, on fera face exactement aux mêmes accusations. Ce que je dis n'est pas dirigé contre le pouvoir exécutif, mais, en l'état, je suis très réservée à l'idée que le CSM ait plus de compétences RH. Je dis simplement que le problème tient au fait qu'il n'y a pas de gestion RH. Il faudrait que ce ministère s'empare de cette question de façon transparente et globale.

S'agissant du siège, de l'inspection des services judiciaires ou du budget, je ne pense pas que nous soyons en contradiction avec ce que vous avez déjà entendu. L'inspection des services judiciaires est un vrai sujet. On fait, et on défait aussi les carrières : on peut neutraliser des magistrats. Aujourd'hui, le droit disciplinaire est quasiment balbutiant. Je vous invite à venir, puisque c'est public, à des audiences disciplinaires : nous n'avons pas de code disciplinaire, il n'existe pas de droits de la défense stricto sensu. Surtout, les enquêtes disciplinaires qui sont menées comme des gardes à vue sans durée limitée sans possibilité d'avoir d'avocat, sont aux mains du pouvoir exécutif et n'offrent donc pas de garantie d'indépendance, alors que c'est ce qui fonde tout de même la saisine disciplinaire…

Garantir l'indépendance consisterait à aligner au maximum le droit disciplinaire des magistrats du parquet sur celui de ceux du siège. Cela ne figure pas, dans le projet de loi constitutionnelle. Je pense ici à la possibilité de muter d'office un procureur, après un avis simple du CSM : on pourrait aussi prévoir un avis conforme. Ce n'est pas non plus dans le projet. J'espère avoir répondu à votre question, monsieur le rapporteur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.