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Emmanuelle Fontaine-Domeizel
Question N° 17436 au Ministère de la cohésion des territoires


Question soumise le 26 février 2019

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel interroge Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur l'application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme à savoir l'action en démolition d'une construction réalisée conformément à un permis légal puis annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. Malgré une avancée significative sur les délais de recours, cet article évacue tout simplement les constructions se situant dans une zone agricole. À ce jour, les constructions dans une zone constructible, non sensible et agricole, dont le permis n'est pas conforme au plan local d'urbanisme, peuvent tout simplement rester en l'état et ouvrir la voie au mitage des départements ruraux sans qu'il soit possible de rétablir des lieux après qu'un jugement se soit prononcé. Elle lui demande s'il serait envisageable de compléter l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme en insérant, dans les zones d'action de démolition, les zones dites « zone de richesses naturelles à protéger en raison de la valeur agricole des terres et des ressources du sol ».

Réponse émise le 7 juillet 2020

Les dispositions du 1° de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, interdisent l'action civile en démolition en dehors de zones limitativement énumérées telles les zones à risques ou à protection patrimoniale ou environnementale forte dans le cas où les travaux ont été réalisés conformément à un permis de construire annulé, à l'exclusion des cas où les travaux ont été réalisés sans autorisation d'urbanisme ou en méconnaissance d'une telle autorisation (Cass. Civ. 3 21 mars 2019, n° 18-13288, publié au bulletin ; Cass. Civ. 3, 7 octobre 1998, n° 96-13562, publié au bulletin). Ainsi, par ces dispositions, le législateur a entendu réduire l'incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours abusifs susceptibles de décourager les investissements. L'action en démolition qui fait suite à l'annulation définitive du permis de construire doit être engagée devant le juge judiciaire. Or, une telle action est une action en responsabilité qui ne peut aboutir qu'à la condition de démontrer, outre une faute caractérisée par la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, un préjudice et un lien de causalité direct entre les deux. Le lien de causalité, notamment, n'est pas systématiquement établi entre l'illégalité et le préjudice. Cette action est effectivement restreinte dans les zones agricoles en application de l'article L.480-13 du code de l'urbanisme. Toutefois elle y reste possible sur le fondement du droit pénal et du droit civil, y compris en dehors des zones listées par l'article L. 480-13 dans le cas de travaux réalisés conformément à un permis de construire. Tel est le cas des permis de construire obtenus frauduleusement, le juge pouvant alors en ordonner la démolition (Cass. Crim. 9 septembre 2003, n° 02-84334, publié au bulletin). De plus, en cas d'annulation du permis à cause d'une règle de fond et si des travaux ont néanmoins été réalisés, le juge pénal peut prononcer une condamnation sur le fondement de l'article L.610-1 du code de l'urbanisme, et donc des amendes voire une démolition, et ce même dans des cas ou le projet n'est pas situé dans les zones visées par l'article L.480-13 du code de l'urbanisme. Les travaux ainsi réalisés, s'ils ne constituent pas l'infraction de construction sans permis de construire peuvent en effet constituer une infraction à la règle de fond (pour un permis déclaré illégal : Cass. Crim. 14 juin 2005, n° 05-80.916, publié au bulletin ; pour un permis de construire annulé : Cass. Crim. 5 mai 2009, n° 08-85335) et être sanctionnés à ce titre. En ce qui concerne le droit civil, la démolition, ou des dommages et intérêts, peuvent également être prononcés sur le fondement du respect du droit de la propriété privée (article 545 du code civil) ou du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage (Cass. Civ. 3 20 juillet 1994, n° 92-21801, publié au bulletin ; Cass. Civ. 3, 11 février 1998, n° 96-10257 publié au bulletin). Dans cette hypothèse également, les servitudes de droit privé peuvent donner lieu à démolition par le juge civil (par exemple, pour une servitude de passage, (Cass. Civ 3, 23 mai 2002, n° 00-20861, publié au bulletin). Ces différents mécanismes issus du droit civil peuvent être mis en œuvre indépendamment de la légalité de l'autorisation de construire, qui est toujours accordée « sous réserve des droits des tiers ». Par contre la Cour de cassation a récemment exclu la possibilité de recourir aux règles classiques de la responsabilité civile (article 1240 du code civil) lorsque les conditions d'application de l'article L.480-13 du code de l'urbanisme sont réunies (Cass. Civ. 3, 21 mars 2019, n° 18-13-288, publié au bulletin). Enfin, l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa version modifiée par la loi ELAN, permet la démolition d'une construction si le permis de construire a été annulé suite à un déféré préfectoral, y compris lorsque la construction n'est pas située dans les zones mentionnées aux a) à n) de cet article. Cette modification inclut donc les constructions autorisées en zone agricole ou naturelle par un permis ensuite annulé suite à un déféré préfectoral.

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