Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du samedi 7 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Économie ; investissements d'avenir ; engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Habituellement, les recettes du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » sont tirées de cessions de titres, de parts ou de droits de sociétés détenus par l'État. Cette année, à cause du covid-19, il y a peu de dividendes et pas de produits de cession : un versement massif du budget général de quelque 13 milliards d'euros représentera la principale recette.

Sur ces 13 milliards d'euros, 10 milliards serviront à renforcer les ressources des entreprises stratégiques jugées vulnérables en raison des conséquences économiques de la crise. Nous nous interrogeons sur l'absence d'explicitation par le Gouvernement des critères et des conditions retenus pour bénéficier de ce soutien.

Nous notons cependant un certain retour à la raison : en effet, l'État ne consacre plus que 100 millions d'euros à son désendettement contre 2 milliards alimentés par les privatisations l'année précédente, même si ces 100 millions auraient été plus utiles ailleurs. Nous ne nous faisons pas d'illusions : une fois la crise éloignée, les mauvaises décisions reviendront à l'ordre du jour.

Malgré le contexte économique, vous avez choisi de ne pas bouleverser la finalité du programme et de ne pas mentionner des objectifs que nous jugeons prioritaires. Il faudrait, par exemple, ne pas céder de parts dans les entreprises stratégiques du secteur de l'énergie ou dans les sociétés rentables pour l'État comme celles gérant les autoroutes.

Les indicateurs de performance de ce compte d'affectation spéciale ont un caractère uniquement financier. Nous considérons qu'il faut prendre en considération d'autres critères comme la perte de souveraineté ou les risques pour les usagers et pour l'intérêt général. Par ailleurs, les indicateurs retenus ne reflètent pas le niveau réel de performance : l'un d'entre eux, qui présente la part des ressources consacrées au désendettement de l'État et des administrations publiques, constitue à nos yeux un contre-indicateur, car la revente de participations publiques dans un but de désendettement est une aberration.

La privatisation du groupe ADP entraîne une perte de souveraineté, représente un non-sens économique et fait courir un risque à la préservation des intérêts environnementaux. De plus, depuis l'ouverture du capital d'ADP en 2005, les effectifs n'ont jamais cessé de diminuer : l'entreprise a supprimé 1 500 postes en dix ans, soit un emploi sur cinq, alors que, dans le même temps, le trafic a doublé. La part des salaires dans la richesse produite est passée de 41 % à 29 %. Les baisses d'effectifs dégradent nécessairement la qualité du service public et la sûreté des voyageurs.

La privatisation d'Engie, entreprise stratégique pour la transition écologique, réduit les capacités de l'État à planifier. Les investissements dans le secteur renouvelable risquent de se contracter et les tarifs d'augmenter, afin d'accroître les profits de court terme. L'effet collatéral du désengagement de l'État dans Engie se fait déjà sentir avec la vente de ses parts dans Suez à Veolia, prémices d'une fusion désastreuse pour l'intérêt général. La question du remboursement de la dette devra être rapidement et sérieusement mise sur la table, surtout après le désastre qu'a connu la Grèce.

Ces quelques exemples montrent que vous ne vous départez pas de votre vision étriquée de la notion d'entreprise stratégique pour la souveraineté de notre pays, que vous limitez à la défense et au nucléaire. Vous préférez manquer de matériels et rencontrer des difficultés d'approvisionnement, comme lors de la crise du covid-19, plutôt que de nationaliser des entreprises françaises essentielles, comme Luxfer.

Il n'est pas possible d'évoquer l'ensemble des programmes, donc je concentrerai mon propos sur le 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle », qui pose plusieurs problèmes. Le projet du CDG-Express est un non-sens, car il ne profitera à aucun usager de banlieue et ne servira qu'à quelques voyageurs pressés et fortunés pour gagner quelques minutes. Son coût prohibitif aurait pu être utilisé pour la rénovation du RER B. La société concessionnaire, dont les capitaux sont majoritairement privés, hérite de l'exploitation de cette liaison rapide pour cinquante ans, sans aucun garde-fou sur les redevances. Il aurait pourtant fallu garder en mémoire l'exemple des concessions accordées aux sociétés d'autoroute. Le calendrier de remboursement du prêt accordé par l'État à cette société n'est pas non plus connu.

Pour toutes ces raisons, le groupe de La France insoumise considère que la politique de soutien économique n'est pas à la hauteur des enjeux et ne votera pas les crédits qui lui sont alloués.

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