Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du vendredi 5 juin 2020 à 9h00
Annulation du second tour des municipales et report des élections consulaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Le projet de loi qui, je l'espère, n'aura pas vocation à entrer en vigueur, prévoit de reporter les élections – et prévoit les modalités de ce report – dans le cas où le second tour des municipales ne pourrait pas avoir lieu le 28 juin. Il s'agit donc d'un texte de prévoyance qui permettra de clarifier les conditions d'organisation des élections en cas de nouveau report, et c'est tant mieux.

Le texte prévoit également de régler certains dysfonctionnements dus au trop long laps de temps qui s'est écoulé entre le premier tour des municipales, le 15 mars dernier, et l'entrée en fonction ou l'installation effective des exécutifs.

Durant nos travaux, j'ai alerté à plusieurs reprises quant à la nécessité d'installer rapidement non seulement les conseils municipaux élus dès le premier tour mais aussi des exécutifs provisoires au sein des EPCI.

En effet, certaines agglomérations ou communautés de communes vivent, depuis le 15 mars dernier, des situations parfois ubuesques, des plus préjudiciables d'un point de vue démocratique et au regard des compétences exercées par ces EPCI, en particulier celle du développement économique dans cette période de crise économique majeure.

Dans la mesure où leurs compétences comprennent le développement économique, il est en effet fortement préjudiciable que des exécutifs, qui ne sont plus légitimes, restent en place. Ce qui devenait urgent pour les conseils municipaux l'est tout autant pour les EPCI : conserver un exécutif décrédibilisé, quand ce ne sont parfois qu'une ou deux communes qui attendent un second tour, n'est, j'y insiste, ni légitime ni efficace.

Vous y avez remédié puisque l'article 1er du texte prévoit d'adapter les dispositions de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020, relatives aux EPCI.

Pour les EPCI mixtes, composés d'au moins une commune dont les conseillers municipaux en fonction avant le scrutin du 15 mars sont encore prorogés, il est prévu une élection provisoire de l'exécutif jusqu'à ce que l'ensemble des conseils municipaux des communes membres de l'EPCI soit renouvelé. Si l'élection organisée au plus tard au mois de janvier 2021 ne fait pas évoluer la composition de son organe délibérant, cette élection devient définitive. C'est une bonne chose pour la stabilité des effectifs.

J'apporterai cependant trois bémols. Le premier concerne les modalités d'élection des communes de moins de 1 000 habitants où les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire uninominal. Là, une majorité de candidats élus dès le 15 mars 2020 n'entreront en fonction qu'à la fin du mois de janvier 2021 alors que le conseil municipal n'est incomplet qu'à cause de quelques sièges non pourvus. J'ai donc déposé un amendement qui s'inscrit dans la même logique que celle visant à élire des exécutifs provisoires au sein des EPCI avec les nouveaux conseillers communautaires, élus dès le 15 mars 2020 et ce, même si certains d'entre eux manquent. Ce conseil municipal mixte aurait le mérite d'être plus légitime pour la population des communes concernées et de mieux refléter les suffrages exprimés.

Le second bémol concerne l'un des amendements déposés par le Gouvernement, qui prévoit la possibilité de reporter l'élection dans certaines communes en fonction des conditions sanitaires qu'elles connaissent. J'avoue que je m'interroge sur la possibilité ainsi donnée au Gouvernement de reporter à la carte certains seconds tours. Le minimum serait d'exiger que la décision de report ait lieu sur avis conforme du conseil scientifique, ce qui aurait pour avantage d'éviter ou de minimiser le soupçon qu'elle ait été prise sur des bases partisanes. Vous seriez ainsi contraints de reporter l'élection dans toutes les communes signalées par le conseil scientifique, ou dans aucune d'entre elles.

Le troisième bémol, qui m'a menée à déposer un amendement malheureusement jugé irrecevable, concerne les modalités de convocation des nouvelles élections municipales. L'alinéa 9 de l'article 1er prévoit en effet que le décret de convocation est pris après avis du comité de scientifiques « sur l'état de l'épidémie de covid-19 ainsi que sur les risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin et de la campagne électorale le précédant », et que le Gouvernement remet un rapport au Parlement « au plus tard cinq jours avant la publication de ce décret ».

J'avais demandé que le Parlement puisse organiser, au plus tard trois jours avant la publication du décret, un débat suivi d'un vote. Ma proposition n'a pas été retenue. C'est dommage, car si l'organisation d'un nouveau scrutin à deux tours pour les élections municipales doit être effectuée en concertation avec le comité de scientifiques, et c'est heureux, il est important d'y associer le Parlement. La vie démocratique dépend de la voix des représentants de la nation, laquelle n'a été que trop souvent malmenée ces dernières semaines. Il est temps d'y remédier et de rétablir l'exercice plein et entier du contrôle parlementaire.

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