Intervention de Edouard Philippe

Séance en hémicycle du mercredi 29 avril 2020 à 11h00
Questions au gouvernement — Stratégie de sortie du confinement dans les territoires

Edouard Philippe, Premier ministre :

Je m'associe à ce que vous avez évoqué au début de votre question. En effet, le confinement, pour beaucoup de nos concitoyens, fut une épreuve, un effort, dans le sens où ils ont dû se priver eux-mêmes, par civisme, de visites qu'ils aimaient rendre et d'une façon de vivre à laquelle ils étaient attachés. Pour beaucoup d'entre eux, ce ne fut pas simplement un renoncement à des choses susceptibles d'être remises à plus tard, mais une véritable pression, avec probablement un coût – je ne parle pas ici d'un coût économique, mais d'un coût humain et social.

Vous posez la question de la territorialisation. Permettez-moi tout d'abord de rappeler la logique de distinction des départements verts et rouges. Comment allons-nous classer un département en vert ou en rouge ? En fonction d'indicateurs, qui seront évidemment publics, actualisés tous les jours, et qui correspondent à trois logiques.

Le premier indicateur sera le taux de cas nouveaux dans la population, c'est-à-dire la rapidité de circulation et d'apparition de nouveaux cas.

Le deuxième indicateur sera le degré de préparation du système hospitalier. La première vague a frappé et les capacités hospitalières en lits de réanimation et de soins intensifs ont partout été accrues. L'utilisation de ces lits a été massive, très au-delà des capacités normales d'occupation. En l'espèce, nous adoptons une approche régionale, parce qu'on sait qu'à l'intérieur d'une région, les capacités hospitalières sont souvent, non pas mutualisées, mais partagées : il est courant qu'un cas sévère soit transféré vers un CHU – centre hospitalier universitaire – d'un département voisin, dont la zone de chalandise, si vous me permettez l'expression, est régionale. Bref, cet indicateur concerne la disponibilité du système hospitalier, sa capacité à s'être remis de la première vague.

Le troisième indicateur sera la capacité des brigades, que j'évoquais tout à l'heure en réponse au président Abad, à faire apparaître efficacement les chaînes de transmission.

Ces trois grands indicateurs nous permettront de savoir, département par département, si le virus circule beaucoup ou peu, et si nous sommes en mesure de circonscrire son évolution.

Quels seront les différents régimes qui s'attachent au classement en vert ou en rouge ?

Une majorité d'obligations seront communes à tous les départements : toutes les mesures de distanciation sociale – ou plutôt physique – et de précaution, comme je l'ai indiqué et répété. Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant. Toutes les méthodes d'organisation des brigades de test et de remontée des contacts seront évidemment de la même nature partout en France.

Des interdictions prévaudront également partout en France : la non-ouverture des cafés et des restaurants, au moins jusqu'au 2 juin 2020. De même, la non-ouverture des très grands centres commerciaux restera valable partout en France. En effet ces centres, dont la zone de chalandise s'étend très au-delà du bassin de vie, créent des brassages : les gens y viennent de loin et repartent. Or un tel brassage est précisément ce contre quoi nous voulons lutter dans la phase de maîtrise de l'épidémie.

Concernant d'autres sujets, on pourra évidemment différencier l'application. Ce sera le cas s'agissant du rythme d'ouverture des écoles, notamment des collèges. Nous prendrons en compte, en la matière, l'appréciation des autorités préfectorales, de l'administration de l'éducation nationale du département et des maires, il est très important de le comprendre.

Dans un département vert, l'ouverture des écoles primaires sera possible ; bien sûr, elle se passera de manière un peu différente à certains endroits. Il faut laisser au maire la possibilité de dire aux responsables de l'éducation nationale que les choses ne doivent pas être identiques à l'école Anatole France et à l'école Jean Moulin, parce que les locaux, la façon de s'organiser, le nombre d'élèves inscrits, rendent plus facile ici que là une organisation parfaite. Tout cela, ni moi ni le ministre de l'éducation nationale ne sommes en mesure de le déterminer ; ceux qui en sont capables, ce sont bien souvent le directeur de l'école, le maire et le représentant local de l'éducation nationale, et j'ai totalement confiance en ces trois acteurs pour prendre les bonnes décisions. Il y aura donc des différenciations, y compris parfois à l'intérieur d'une commune ; après tout, nous pouvons l'accepter, l'important étant que tout le monde reprenne le chemin de l'école.

Quand un maire d'une zone rouge nous fera savoir que sa commune, à cause de l'explosion du nombre de cas, n'est pas encore prête, nous discuterons avec lui. Nous comprendrons la spécificité de la situation locale, pour essayer de trouver le bon rythme d'ouverture des écoles. Dans les départements rouges, toutes les communes ne sont pas affectées de la même façon.

Au fond, je veux expliquer ici que la logique choisie commande des effets et commande l'esprit du partenariat entre les élus locaux et les acteurs de terrain. Cet esprit est plus important à comprendre que la règle, voyez-vous, parce que c'est ce qui nous permettra de piloter finement et efficacement la maîtrise de la circulation du virus. Il y aura donc des départements verts et des départements rouges, mais il y aura partout une discussion intense, précise, confiante dans toute la mesure du possible, pour prendre les bonnes mesures. Je suis certain que, face au risque épidémique, les acteurs locaux sauront adapter les mesures au plus près de la situation.

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