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Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Il n'est pas possible de laisser perdurer ces situations terribles, où une personne ne peut pas décider pour elle-même du moment de sa propre fin ; où elle doit attendre une terrible agonie, dans la souffrance physique ou psychologique, assommée de médicaments, voulant en finir mais ne le pouvant pas. Ces personnes doivent-elles se résoudre à se donner la mort elles-mêmes, de façon violente ou hasardeuse ? Doivent-elles souffrir, encore et encore, jusqu'à la fin, sans trouver l'apaisement ? Leurs proches doivent-ils se résigner à les voir souffrir, sans pouvoir les aider ? Cette ultime liberté est un sujet grave, important, qui a toute sa place dans le débat sur la bioéthique. Nous devrions l'aborder, madame la ministre.

Je veux enfin parler d'un autre sujet grave et important : les mutilations faites aux enfants intersexes. Nous avons commencé le débat en commission, et il va se poursuivre en séance. Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, il s'agit de personnes naissant avec une variation du développement sexuel, c'est-à-dire des caractéristiques sexuelles qui sont des variations saines du vivant mais ne correspondent pas à ce qui est attendu du masculin ou du féminin.

Selon les statistiques données par l'ONU en 2016, 1,7 % des enfants sont concernés. De quoi s'agit-il exactement ? De transformations du corps qui sont des actes invasifs et définitifs entraînant de graves souffrances physiques et psychologiques, à vie, pratiquées sur de tout petits enfants, y compris des nourrissons : ablation de gonades ou d'utérus jugés en trop, construction ou dilatation de vagins jugés trop petits, réduction de clitoris jugés trop grands, redressement de pénis jugés tordus, prescription d'hormones sexuelles, hormonothérapie de substitution à vie, et j'en passe… Des organes sont amputés. Dans nos hôpitaux, on opère un enfant pour qu'il urine debout, car c'est ainsi que les garçons doivent uriner. Dans nos hôpitaux, on réduit le clitoris d'une enfant ou on agrandit son vagin par bougirage, car c'est ainsi que les filles doivent avoir des rapports sexuels. Sans leur consentement, bien entendu, étant donné leur âge. Cela semble impensable au XXIe siècle. C'est pourtant ce qui se produit quotidiennement.

Il s'agira donc, dans nos débats, de savoir si les actes de conformation sexuée que n'exige pas une urgence vitale immédiate doivent être autorisés en l'absence du consentement de la personne elle-même. Je pense que non. C'est à la société de prendre en compte les corps tels qu'ils sont, pas aux corps d'être modifiés irrémédiablement, qui plus est sans le consentement de la personne concernée, pour correspondre à des attentes sociales. Certaines opérations relèvent de l'urgence vitale, et il faut bien sûr opérer pour sauver la vie de l'enfant. Mais de nombreuses opérations sont pratiquées sans aucune situation d'urgence vitale, et à un âge où l'enfant n'est pas en mesure de consentir à quoi que ce soit, puisqu'il n'a parfois que quelques jours.

Pour tous ces enfants, il est au contraire urgent d'attendre. Les séquelles physiques et psychologiques sont immenses et désastreuses. Ces situations ont créé et créent encore d'immenses souffrances : celles d'un corps qui ne s'appartient pas, d'une conscience qui a été ignorée. Elles s'accompagnent souvent du secret sur ce qui a été fait. Les conséquence sont terribles : on peut mentionner notamment – et cette liste n'est pas exhaustive – des cicatrices très marquées, des infections des voies urinaires, la diminution ou la perte totale des sensations sexuelles, l'arrêt de la production d'hormones naturelles, la dépendance aux médicaments, un sentiment profond de violation de la personne et de pathologisation d'un corps sain, les souffrances induites par une assignation ne correspondant pas à l'identité de genre de la personne, ou des dépressions conduisant parfois au suicide.

Nous ne pouvons pas accepter que des enfants soient traités ainsi. La question n'est pas celle de la réussite technique de l'opération, ou de son utilité suivant l'avis d'une équipe pluridisciplinaire. Ces choix, même lorsqu'ils sont faits par un groupe d'adultes, même avec la pleine information des parents, demeurent des non-choix pour l'enfant, qui verra son droit à l'autodétermination piétiné et l'intégrité de son corps sacrifiée. Il s'agit d'une question de respect de ces droits humains fondamentaux.

Il appartient aux personnes concernées, et à elles seules, de décider si l'on doit intervenir sur leur corps, et comment, en l'absence d'urgence vitale. Il n'est pas tolérable que des principes aussi fondamentaux que la libre disposition de soi et le respect de l'intégrité physique d'une personne soient plus longtemps bafoués. Plusieurs institutions internationales, dont l'ONU, et plusieurs institutions françaises, dont le Conseil d'État, nous ont alertés et demandent l'interdiction de telles pratiques.

Nous pouvons y procéder dans ce texte, car c'est un sujet qui relève très clairement de la bioéthique mais que les précédentes lois de bioéthique n'ont jamais traité. Il est grand temps de le faire. La loi de bioéthique existe pour encadrer les pratiques médicales, et la loi l'a toujours fait. Ce qui relève du soin, ce que les médecins ont le droit de faire ou non, a toujours été encadré par la loi. C'est elle qui a interdit et puni l'avortement, puis qui l'a autorisé, et c'est une grande chose que d'avoir consacré la liberté pour les femmes de disposer de leurs corps.

C'est la loi qui a interdit l'acharnement thérapeutique. C'est la loi qui interdit encore l'euthanasie et le suicide assisté. C'est un sujet grave et sérieux, et on ne peut pas l'écarter avec de faux arguments. La loi doit se mêler des pratiques médicales, et c'est l'objet même de cette loi de bioéthique. Elle ne dit pas aux médecins ce qu'ils doivent faire au cas par cas, bien sûr, mais elle encadre les pratiques par des principes généraux. C'est une liberté fondamentale que de pouvoir disposer de son corps, et il n'appartient ni aux médecins, ni aux parents, ni à la société de décréter qu'un corps doit être masculin ou féminin.

Les progrès de la technique doivent toujours demeurer au service de la personne, de sa dignité, et cela passe par l'intégrité du corps, la libre disposition de son corps.

En conclusion, le groupe La France insoumise est favorable à l'adoption de ce texte, dans son ensemble. Nous devons encore le faire évoluer, pour consacrer pleinement les principes d'égalité des droits et de liberté de disposer de son corps, à la faveur d'un débat respectueux et fraternel.

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