Intervention de Ludovic Maréchal

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 17h15
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Ludovic Maréchal, directeur de l'ASE du département de la Moselle :

Je vais commencer par votre dernière question, parce qu'il s'agit d'une véritable Arlésienne. Depuis que je suis à l'ASE, on nous dit que nos rapports n'arrivent pas en temps et en heure. Pour avoir beaucoup réfléchi à cette question, je crois que cela s'explique par un problème de concordance des temps. En effet, le temps de la justice et de l'organisation de l'agenda d'un juge n'est pas forcément le temps de l'enfant, et donc du projet pour l'enfant.

Nous disons à nos équipes qu'elles doivent faire un PPE à partir du moment où l'enfant est placé. Au bout de six à huit semaines après le placement, on réalise une synthèse dite « initiale » par laquelle, avec l'ensemble des acteurs, et en associant la famille, on construit un projet pour l'enfant. De l'autre côté, il y a la temporalité du juge. Dans la grande majorité des cas, les décisions sont prises pour un an. Si vous voulez faire en sorte que la temporalité du projet pour l'enfant coïncide avec celle du juge, vous devez prévoir une synthèse d'échéance. Dans notre feuille de route, nous prévoyons de la rendre au bout de dix mois et demi, de manière à nous laisser un peu de temps pour l'évaluer et ensuite écrire le rapport. Toutefois, le juge a lui aussi son calendrier. Il est parfois appelé aux assises. Il lui arrive aussi de prendre des congés. Bref, il peut décider d'organiser une audience au bout de neuf mois et demi, ce qui fait tomber à l'eau le calendrier que nous avions élaboré. Et après, on nous dit : « Vous ne rendez pas vos rapports ! ». Nous ne pouvons pas organiser le suivi de 1 850 enfants en fonction des calendriers de huit magistrats différents. Il est impossible de piloter une institution de cette manière. Je n'ai pas de solution à ce problème. Je puis seulement dire que cette situation pose la question de l'inadéquation entre les temporalités d'institutions différentes.

S'agissant du contrôle, comment organisons-nous les choses ? D'abord, nous partons de la notion de partenaire prestataire. Nous rencontrons très souvent le milieu associatif, dans le cadre du suivi des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Par ailleurs, nous avons nommé, dans chaque institution de l'aide sociale à l'enfance, ce que nous appelons un « correspondant d'établissement ». Ces correspondants participent notamment aux commissions d'admission, qui se prononcent sur l'entrée des enfants. Ils constituent ce que j'ai appelé une « courroie de transmission » entre le département et l'association. Ils s'intéressent à tout ce qui fait la prise en charge quotidienne d'un enfant. Ils doivent faire remonter les difficultés. Quand nous ne sommes pas bons et que l'association le dit, il leur incombe aussi de nous le faire savoir. C'est une première manière pour nous de sécuriser le système.

Ensuite, nous demandons très clairement que la direction de l'aide sociale à l'enfance soit informée dès que survient un événement dit « grave », y compris le soir et le week-end. Mon smartphone est allumé tout le temps – c'est un peu embêtant parfois, mais c'est aussi cela, la protection de l'enfance. Nous devons être informés en permanence, de manière à pouvoir entrer en contact immédiatement avec l'établissement en cas d'événement, qu'il s'agisse d'un passage à l'acte ou d'un dérapage – y compris de la part d'un veilleur de nuit ou d'un éducateur. À cet égard, lorsqu'un événement de cet ordre se produit, nous demandons la mise à pied à titre conservatoire de la personne concernée – c'est un des avantages du statut privé –, dans l'attente de l'enquête administrative interne à l'établissement, tout en sachant que le département interviendra lui aussi. Ensuite, en fonction des faits relatés, une enquête pénale pourra également avoir lieu.

Nous effectuons aussi des contrôles, notamment sur la base des informations qui nous sont remontées, des faits qui nous sont signalés et de leur éventuelle réitération. J'ai ainsi participé à un contrôle il y a trois semaines dans une maison d'enfants à caractère social. Nous avons rencontré les professionnels, la direction et certains mineurs. Nous avons examiné les procédures suivies dans l'établissement. La loi de 2002 nous a donné un certain nombre d'outils. Un soir de la semaine dernière, nous avons organisé un contrôle inopiné : avec ma cheffe de service responsable d'un territoire, nous nous sommes rendus sur le lieu de vie en question. Nous rédigeons actuellement un rapport. Nous avons été rassurés par ce qui a été mis en place depuis les événements qui nous avaient été signalés.

En ce qui concerne l'internat scolaire, la réponse est oui : nous y avons recours, de manière épisodique. La question est évidemment de savoir ce qui est fait autour, quand le jeune est à la maison, le week-end. Parfois, nous associons l'internat scolaire et le SERAD, autrement dit le placement à domicile, ce qui constitue une double mesure. Nous avons aussi créé le placement modulable, avec une alternance entre les temps en famille et les temps en institution, sachant que, parfois, les parents ont des problèmes psychiatriques. Quand ils ne sont pas en phase de décompensation, ils sont tout à fait en mesure d'être parents, mais le reste du temps, il vaut mieux que l'enfant ne soit pas là.

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