Intervention de Boris Vallaud

Réunion du mercredi 6 mars 2019 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Monsieur le ministre, aucun des arguments que vous avez développés n'est de nature à nous convaincre : selon nous, vous raisonnez en banquier, ni plus ni moins, et certains des arguments que vous avancez sont même franchement aberrants. Quand vous nous dites que le service public aéroportuaire sera mieux régulé après la privatisation qu'il ne l'est en ce moment, n'est-ce pas un aveu du caractère défaillant de l'État actuel – en d'autres termes, du fait que vous n'exercez pas comme il se doit vos missions de service public ?

Vous dites qu'ADP n'est pas un actif stratégique : dans ce cas, pourquoi faut-il le réguler ? Vous dites qu'on ne peut pas financer l'innovation par les dividendes et sur ce point, vous avez raison : cela devrait se faire par l'inscription de 200 millions d'euros sur l'innovation radicale dans le budget de l'État, ou encore par d'autres choix. Ainsi, puisque la taxe sur les GAFA va offrir un rendement croissant au cours des trois prochaines années – vous l'avez vous-même annoncé –, pourquoi ne pas affecter le produit de cette nouvelle taxe à l'innovation radicale ?

En réalité, vous vous payez de mots et entretenez une espèce de fétichisme de la privatisation en évoquant celles de 1997. Sans contester que certaines privatisations aient pu produire les effets qu'on en attendait, je pense qu'il faut savoir regarder plus loin en arrière, en s'interrogeant notamment sur le démantèlement de la Compagnie générale d'électricité effectué en 1986, dont aujourd'hui nous payons cash les conséquences avec Alstom, Areva et beaucoup d'autres entreprises qui se sont retrouvées dans de grandes difficultés, alors même qu'il s'agissait d'entreprises privées, avec toutes à leur tête un dirigeant plein de compétence et d'un indépassable talent…

Pour ma part, je ne pense pas que l'État fasse nécessairement moins bien que le secteur privé ; l'histoire de France a d'ailleurs souvent montré le contraire. Certes, nous avons en France une tradition colbertiste, qui n'est ni le capitalisme rhénan, ni le modèle libéral financier anglo-saxon, mais à force de vouloir singer les autres, nous finissons par régresser. En l'occurrence, compte tenu de l'infrastructure particulière d'ADP, aucun argument ne peut nous convaincre de l'intérêt de sa privatisation, et vous êtes en train de commettre l'irréparable, Monsieur le ministre, car aucun retour en arrière ne sera possible.

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