Intervention de Daniel Bour

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 16h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Daniel Bour, président d'Énerplan :

Monsieur le président, mesdames et messieurs, Énerplan est le syndicat des professionnels de l'énergie solaire. J'ai la chance de parler après deux interventions importantes, celle du ministère et celle de la CRE, et donc de pouvoir y réagir en apportant le point de vue des professionnels.

En tant que professionnels, la PPE annoncée nous convient parfaitement. Pour être plus précis, c'est celle que nous avions recommandée, et que nous retrouvons totalement dans ces chiffres. De fait, nous nous sentons capables de passer en quelques années d'une production de 1 gigawatt par an à 4 gigawatts par an, ce qui constitue tout de même un beau pari.

Il y a les professionnels, les terrains et les toitures pour le faire. Mais avons-nous les moyens de cette accélération ? Avons-nous levé tous les obstacles ? Nous manquons d'éléments. Il nous faut, notamment, une feuille de route beaucoup plus précise.

La première question qui se pose est liée à la répartition du photovoltaïque. Le photovoltaïque est multiforme. On parle aussi bien de la petite installation qui devrait être quasiment systématiquement en autoconsommation, que des très grandes centrales au sol. Ce ne sont pas les mêmes acteurs, ce n'est pas la même économie. Il faut bien les différencier. C'est pourquoi il est très important pour nous que l'on définisse clairement les objectifs, qu'il s'agisse du solaire au sol, des toitures ou de l'autoconsommation.

Nous partageons totalement le point de vue qui a été développé sur l'autoconsommation, qui est certainement un mode de production d'avenir. Progressivement, tout ce qui se fait aujourd'hui en résidentiel passera en autoconsommation, comme c'est déjà le cas dans un certain nombre de pays. Progressivement, même ce qui peut se faire en toiture passera en autoconsommation, soit directement, soit dans le voisinage au niveau du territoire. Il faut garder cette évolution en tête car elle est fondamentale.

Mais si nous parlons beaucoup de l'autoconsommation, elle ne représente pourtant absolument rien en France : 0,001 % de la production ! Il y a 35 000 installations en France, ce qui est tout à fait ridicule. Certes, passer de zéro à un représente une énorme progression, mais, en réalité, nous sommes très en retard par rapport aux autres pays européens. La Belgique compte 380 000 installations ; l'Italie, 630 000 ; le Royaume-Uni, 700 000 ; l'Allemagne, 1,5 million. Nous sommes les champions pour parler de l'autoconsommation, alors même qu'elle ne fonctionne pas. Les professionnels ne s'y intéressent d'ailleurs plus, dans un contexte systématique de blocage des dossiers

Si l'autoconsommation plaît à beaucoup et constitue un sujet très politique, actuellement elle n'est pas possible en France. Pour produire 0,5 kilowattheure, soit absolument rien, il faut jusqu'à six mois à un particulier pour obtenir une autorisation, après avoir rempli un énorme fascicule. L'autoconsommation est très clairement bloquée en France. En 2028, normalement, elle devrait représenter 4 ou 5 gigawattheures. Mais, tels que nous sommes partis, je ne suis pas sûr du tout que nous y parvenions.

Pour les centrales au sol, on peut identifier un deuxième grand frein, spécifique à la France : le permitting, soit tout ce qui relève des permis et des autorisations des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). La construction des centrales solaires se fait en priorité sur des terrains artificialisés. Si nous partageons cette orientation, qui est logique en termes d'aménagement du territoire, il faut voir que ces terrains sont très souvent compliqués et qu'il est très difficile d'y obtenir le permitting. La situation est donc un peu schizophrénique, puisque nous sommes incités à construire dans des endroits où les dossiers sont difficilement validés. .

Qui plus est, pour obtenir le permis de construire d'une centrale solaire, il faut passer par quinze voire dix-sept commissions, sachant que, d'une commission à l'autre, il n'est pas rare que l'on nous demande exactement les mêmes informations. Il faut absolument remettre de l'ordre dans cette situation. Nous comptons beaucoup sur le Parlement pour nous aider à faire comprendre ce qu'il en est. Dans la mesure où cela relève de l'interministériel, mais également de directions différentes au sein d'un même ministère, les contacts ne sont pas toujours faciles. Si nous voulons atteindre nos objectifs, il est urgent de remettre de l'ordre dans ce permis et de revenir à un objectif simple : un dossier déposé doit mettre moins d'un an pour être validé, quand, actuellement, il faut entre dix-huit mois et deux ans, si ce n'est trois. C'est un écueil fondamental. Sans nettoyage du permis, les installations au sol sont compromises. Nous ne remettons pas en cause les services de l'État. C'est le manque de dialogue entre les différentes commissions qui est à l'origine de cet étonnant maelström.

Un troisième frein concerne plus particulièrement le monde agricole. J'ai entendu mon collègue de la CRE dire qu'ils étaient satisfaits du système actuel de soutien. Il fonctionne, de fait, plutôt bien. Cela étant, alors que le secteur agricole était très dynamique avant le moratoire, dans la mesure où il représentait, en puissance, jusqu'à 20 % du raccordement des centrales solaires entre 100 et 500 kilowatts, il n'en représente plus que 5 % à peine. Une anomalie inexplicable a brisé cet élan. De fait, alors que l'Europe demande que les appels d'offres commencent à 1 mégawatt, en France, ils commencent à 100 kilowatts, soit pour des centrales dont le chiffre d'affaires se situe entre 10 000 et 15 000 euros par an. Il faut environ un an pour boucler un projet d'appel d'offres, avec tous les aléas et toutes les incertitudes que cela suppose pour le propriétaire. En conséquence, le secteur ne marche pas. C'est un grand motif de mécontentement du monde agricole. Les bâtiments agricoles se retrouvent orphelins.

Nous demandons très vivement la suppression du seuil de 100 kilowatts et la définition d'un nouveau seuil à 500 kilowatts. La situation actuelle est un non-sens économique, du fait du surcoût lié à l'appel d'offres. Cela permettra au secteur de se redévelopper et au monde agricole de développer un système dont il a besoin. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il existe une si grande différence entre l'éolien, où la limite du guichet ouvert se situe à 18 mégawatts, et le photovoltaïque, où elle est à 100 kilowatts ! Cette anomalie est inexplicable.

Pour conclure rapidement, sachez qu'il existe d'autres sujets : la fiscalité et, plus particulièrement, le problème de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) ; la définition des acteurs qui devront supporter l'augmentation du réseau dans les régions. Ces questions se poseront dans les années à venir, certainement avant la fin de la PPE.

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