Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du mercredi 19 décembre 2018 à 15h00
Modification de l'acte portant élection des membres du parlement européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Cela affaiblirait un peu cette bureaucratie bruxelloise, politiquement toute-puissante – et c'est peu dire. Et cela renforcerait le Parlement, qui est l'une des solutions de sortie de crise que l'Union européenne gagnerait à mettre en oeuvre.

Le problème majeur du Parlement est celui de la « codécision ». Ce terme peut faire rêver, et je sais qu'il vous fait rêver, madame la présidente de la commission des affaires étrangères. Ce principe vise à créer un équilibre entre : la Commission, qui est la seule habilitée à proposer des directives et des règlements européens ; le Conseil de l'Union européenne, qui est composé de ministres d'État membres et sans lequel rien ne peut être adopté ; le Parlement, enfin, qui ne peut amender que ce que lui soumet la commission – c'est assez limité !

Ainsi, le rôle du Parlement européen est tourné vers la négociation de ses amendements pour obtenir le consensus avec le Conseil et la Commission. Pendant ce temps, les peuples sont oubliés. Nous devons rompre avec ce déséquilibre et commencer par couper court à l'opacité des réunions bruxelloise : le huis clos a bon dos et, quand les responsables politiques reviennent dans leurs pays, il leur est facile de dire que ce n'est pas leur faute. Mais qui sait ce qu'ils ont dit autour de la table des négociations, à Bruxelles ?

À ce titre, je soutiens la proposition que notre collègue Sabine Thillaye a formulée dans son rapport d'information sur le rôle des parlements nationaux dans le processus décisionnel européen. Elle propose d'améliorer le contrôle des gouvernements au sein du Conseil en publiant systématiquement un compte rendu écrit des négociations et des prises de position des gouvernements : ce serait un premier pas. Ce système est d'ailleurs renforcé par le fait que la répartition des eurodéputés est faite en fonction de la taille de la population. Cela donne un avantage considérable aux grands partis des grands pays.

C'est pourquoi il est extrêmement important que les résultats des élections européennes dans notre État soient basés sur la diversité des courants de pensée des Français. Sans cela, c'est la frustration et le sentiment d'abandon qui domineront, car les coalitions portent en elles les germes de la compromission, voire de la confusion. Il faut des députés capables de tenir tête à la Commission, et non des députés inféodés à de grands partis, cherchant à se partager un pouvoir, d'ailleurs bien dérisoire en comparaison de celui de la Commission.

Bien évidemment, c'est cet immobilisme et cette opacité des décisions qui ont nourri ce profond sentiment de défiance des peuples européens dans les institutions de l'Union européenne. Ce qui est clair, c'est que depuis le référendum volé aux Français et aux Néerlandais de 2005, l'Union européenne a du plomb dans l'aile, et à juste titre. Ce scepticisme ne sort pas de nulle part, et la campagne du référendum sur la sortie du Royaume-Uni en 2016 a elle aussi été l'occasion de voir à quel point l'Union européenne – cette Union européenne-là – est rejetée. La raison principale de ce rejet est le carcan budgétaire imposé aux États membres. Cette décision de règle d'or budgétaire bloque depuis plus de dix ans toute tentative de mener une politique économique alternative.

En se privant des outils de relance économique utilisés depuis très longtemps en Europe, les gouvernants ne pensent plus qu'à travers le prisme de la dette. « La dette ! La dette ! La dette ! ». Cela me rappelle le poumon.

Nous y sommes aujourd'hui asservis sans possibilité de nous en sortir autrement qu'en payant. Pourtant, la dette a une vertu : elle permet de relancer l'économie, de mener de lourds chantiers pour l'avenir, comme la transition écologique ou la transition sociale que nous appelons de nos voeux. C'est particulièrement vrai lorsque l'on est à la croisée des chemins, ce qui est le cas de la protection climatique. Hélas, elle a également un vice, celui de satisfaire les appétits du monde financier, devenus si incontrôlables que les États doivent se prosterner devant eux. Je ne développerai pas davantage le problème des traités commerciaux de libre-échange comme celui du CETA, lourds de conséquences pour notre modèle de protection et de production.

À la finance, nous voulons substituer l'humain. Le coeur d'un projet européen d'avenir doit être social, écologique, économique, redistributif et attentif à ceux qui souffrent. L'orientation néolibérale a cadenassé tous les espoirs des peuples. Leurs dirigeants ne cessent de dire qu'ils ne peuvent rien, l'Europe étant la seule responsable. Cette inaction crée la colère. Elle aura couvé des années avant de trouver en France son expression. Le peuple dans la rue, les gilets jaunes, le blocage des routes et les manifestations sont l'expression d'un peuple qui n'en peut plus qu'on lui rétorque que ses envies coûtent cher alors que la vie de ses membres et celle de leurs enfants ne sauraient avoir de prix.

Les besoins des peuples doivent être entendus, surtout quand le PIB augmente chaque année. Plus les richesses progressent, plus la pauvreté et la précarité s'étendent. Les gens ont plein de bon sens et ils le voient bien. Les communistes ont toujours voulu rompre avec cette Union européenne libérale qui n'offre que des perspectives de désespoir et de repli sur soi.

En finir avec cette austérité permettra de capter à nouveau les richesses et de les redistribuer là où les besoins sont les plus pressants : aux personnes précaires, aux salariés trop peu payés, mais aussi aux associations ou aux services publics, sans oublier la planète, la lutte contre le réchauffement climatique, la rénovation énergétique, la protection de la biodiversité, etc.

Nous voulons une Union européenne qui permettrait d'en finir avec le dumping social, en harmonisant par le haut les revenus ou le droit du travail, qui remettrait à plat les équilibres institutionnels pour renforcer la diversité des peuples dans le Parlement et le poids de ce même Parlement face aux autres institutions de l'Union européenne.

Les peuples pourraient ainsi s'exprimer dans leur complexité tout en étant plus forts que le Conseil et la Commission.

Toutes ces ambitions permettraient de développer une vision enfin optimiste de la construction européenne, car si elle a réussi à arrêter la guerre militaire sur le continent, elle n'a pas pu empêcher la guerre économique, la guerre sociale. Or, ces nouvelles formes de guerre portent en germe le démantèlement de l'Union.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.