Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

élisabeth Borne, ministre chargée des transports :

Comme vous le savez, le Gouvernement a engagé des réformes structurantes, qui ont vocation à transformer en profondeur notre politique dans ce domaine. Conformément au cap donné par le Président de la République dès juillet 2017, il s'agit d'offrir à nos concitoyens et sur l'ensemble du territoire des solutions de déplacement à la hauteur de leurs attentes et d'inventer des mobilités du XXIe siècle plus intelligentes, plus propres et plus durables.

En effet, les déplacements, qu'ils soient fondés sur des modes traditionnels ou mis en oeuvre par de nouvelles solutions, que ce soit pour le transport des voyageurs ou celui des marchandises, doivent absolument intégrer l'urgence environnementale et climatique. Je ne reviendrai pas sur le nouveau pacte ferroviaire, promulgué le 27 juin dernier. Cette réforme porte trois orientations majeures : l'ouverture à la concurrence avec une réforme des droits et garanties pour les cheminots ; la transformation de la SNCF en société nationale à capitaux publics incessibles, apte à construire sa propre stratégie ; un programme d'investissements de régénération devant atteindre 3,6 milliards d'euros par an avec une progression supplémentaire de 200 millions d'euros à compter de 2022, qui s'accompagne de la reprise de dette par l'État à hauteur de 35 milliards d'euros en deux temps – en 2020 et en 2022. Je pense que nous pouvons partager le fait qu'il s'agit d'une réforme considérable du secteur ferroviaire.

L'année 2019 marquera la poursuite du travail de transformation du cadre dans lequel s'inscrivent le droit au transport et celui de se déplacer librement – je veux bien entendu parler du projet de loi d'orientation des mobilités que je présenterai prochainement en conseil des ministres. Après un travail d'écoute des acteurs en profondeur pendant les Assises nationales de la mobilité à l'automne dernier, nous sommes maintenant à l'orée de la présentation de ce texte, qui est en cours d'examen au Conseil d'État. C'est un projet qui réforme l'ensemble des modes de transport en refondant les bases de notre politique de mobilité. Il porte l'ambition de moderniser le « droit du transport », et je devrais dire le « droit à la mobilité », en donnant les outils aux acteurs locaux pour tirer le meilleur parti du numérique, des nouvelles mobilités et des innovations pour diffuser de nouvelles solutions de mobilité sur l'ensemble du territoire, pour répondre aux nouveaux besoins de nos concitoyens ainsi qu'à l'exigence de l'urgence environnementale et climatique.

Sans entrer dans le détail, je souhaite évoquer quelques orientations majeures. Le premier objectif vise à sortir des zones blanches de la mobilité – vous savez que 80 % du territoire ne sont pas couverts par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) –, ce qui passe par une modernisation de la gouvernance par les collectivités, entre la région et le bloc communal, pour assurer, pour tous les territoires, un responsable en termes d'organisation de la mobilité. Les départements joueront aussi un rôle important, à la fois d'ingénierie en appui au bloc communal, de coordination de toutes les mobilités, dans laquelle ils ont bien sûr un rôle important puisqu'ils gèrent le réseau départemental qui peut être le support d'aires de covoiturage et d'aires de mobilité plus généralement, mais aussi au titre de leur rôle de chefs de file dans le domaine de la solidarité, qui est aussi un volet important de la loi.

Le deuxième axe est le « verdissement des mobilités » – j'y reviendrai – avec notamment le plan « Vélo » et le verdissement de toutes les motorisations.

Un troisième axe consiste à tirer parti de l'innovation pour proposer de nouveaux outils et de nouvelles solutions de mobilité, tout d'abord en profitant de la révolution digitale pour développer une information billettique multimodale et proposer des nouvelles solutions comme l'autopartage, le covoiturage, le transport à la demande, le développement des véhicules autonomes ou la route connectée.

Enfin, cette loi a pour ambition de fixer une programmation soutenable de nos infrastructures de transport, qui repose sur quatre principes fondamentaux : sortir des promesses non financées ; s'engager sur des choix clairs ; s'engager sur ce que l'on sait financer ; s'engager de façon démocratique, puisqu'il y aura un débat et un vote au Parlement. Je voudrais saluer à nouveau les travaux du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui ont été très précieux pour nous aider à définir cette programmation. Les échanges que j'ai pu avoir récemment avec les présidents de région et les parlementaires me confortent dans la pertinence des choix que nous souhaitons défendre.

Évidemment, cette politique raisonnée et raisonnable d'investissement ne peut s'exonérer d'un modèle économique cohérent. Disposer d'une programmation soutenable de nos investissements suppose de réfléchir à de nouvelles modalités de ressources. Pour l'année 2019, la hausse du budget du ministère est financée. Mais il faudra prévoir pour 2020 une ressource à hauteur de 500 millions d'euros par an pour assurer l'équilibre de notre programmation. Nous étudions actuellement plusieurs possibilités, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler et sur lesquelles nous reviendrons certainement. J'ai engagé la semaine dernière une consultation avec les professionnels du secteur et les acteurs concernés. L'année 2019 s'inscrit pleinement dans la préfiguration de cette nouvelle politique de mobilité. Ce sont ainsi plus de 8 milliards d'euros qui seront investis par l'État dans les transports au niveau national, au travers de différents programmes budgétaires ou des moyens affectés à l'AFITF, en actant les priorités de la programmation retenues par le Gouvernement, avec une amélioration des moyens sur plusieurs axes. Tout d'abord, les ressources du programme 203 augmentent de 2,3 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2018, soit un montant global de 3,213 milliards d'euros. Ensuite, l'AFITF bénéficiera de près de 230 millions d'euros de recettes affectées supplémentaires, ce qui devrait permettre une augmentation de 10 % de son action opérationnelle. Par ailleurs, nous travaillons actuellement sur la base des propositions remises par M. Gilles Carrez sur les ressources de la Société du Grand Paris (SGP). Un amendement a déjà été voté et d'autres seront proposés à cet effet.

Vous le savez, j'ai eu l'occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, la première des priorités est l'entretien et la modernisation des réseaux existants. Le drame de Gênes, le 14 août dernier, nous rappelle l'importance de ce sujet. Alors que le montant dédié à l'entretien et à l'exploitation du réseau routier national s'élevait en moyenne à 670 millions d'euros par an entre 2008 et 2017, il a été porté à 800 millions d'euros dès 2018. L'effort se poursuivra encore dès 2019, puisque nous prévoyons d'augmenter de 50 millions d'euros les moyens consacrés à la route et aux voies fluviales, tandis que, comme je l'ai déjà indiqué, dans le cadre de la réforme ferroviaire, les moyens seront considérablement augmentés sur la régénération ferroviaire – 50 % de plus dans la décennie à venir par rapport à la décennie précédente, je le rappelle.

Concernant l'état du réseau routier national, j'avais commandé un audit sur ce secteur, ainsi que sur le réseau ferroviaire et le réseau fluvial. Cet audit présente plusieurs scénarios, avec un point commun : la nécessité d'un renouveau des méthodes de gestion de notre patrimoine routier et des ouvrages d'art, en y associant des trajectoires financières adaptées.

Nos priorités en matière d'investissements ne s'arrêtent pas à la route et au fer. Je voudrais souligner que la dotation pour le dragage des grands ports maritimes sera augmentée en 2019 de 29 millions d'euros, ce qui permettra de couvrir enfin quasiment en totalité les charges de dragage des ports français et de participer à l'amélioration de leur compétitivité dans une concurrence forte avec les autres ports européens. Je voudrais souligner qu'entre la LFI pour 2017 et le PLF pour 2019, l'augmentation des moyens consacrés au dragage représente 48 millions d'euros. 2019 verra aussi la tenue de nos engagements en matière de renouvellement des rames pour les trains d'équilibre du territoire (TET) au bénéfice direct des usagers quotidiens, avec un effort qui atteindra 450 millions d'euros pour ce programme. 2019 sera également l'année de l'intensification de nos engagements au profit des mobilités actives, notamment avec la mise en oeuvre du plan « Vélo » que nous avons présenté fin septembre avec le Premier ministre et le ministre d'État et auquel nous consacrerons 350 millions d'euros dans le cadre d'un plan sur sept ans. Les premiers appels à projets se mettront en place dès 2019 pour accompagner les aménagements cyclables sécurisés et traiter les discontinuités, lesquelles constituent un frein majeur au développement de l'usage du vélo.

En plus du soutien aux mobilités actives et partagées que je viens d'évoquer, il est essentiel d'engager une trajectoire de verdissement pour chacun des modes, sur la base des propositions issues des Assises nationales de la mobilité et des travaux qui ont été engagés par le Gouvernement. Je sais que vous vous êtes engagés, dans le cadre de l'examen du PLF, à soutenir cette thématique au travers de plusieurs amendements : pour les véhicules légers, des dépenses sur le bonus et la prime à la conversion qui augmente de 63 % par rapport à l'an dernier, ainsi que la mise en place d'un barème kilométrique spécifique pour le véhicule électrique ; pour les poids lourds, la prolongation du sur-amortissement jusqu'en 2021, l'extension à l'hydrogène et à l'électricité – comme pour les véhicules utilitaires légers (VUL) de plus de 2,6 tonnes – et le renforcement du sur-amortissement pour les petits poids lourds qui sont ceux qui circulent le plus en ville. Vous avez également voté un amendement sur le suramortissement pour les navires avec des propulsions décarbonées, et sur les branchements à quai, pour le traitement des dioxydes de souffre. Enfin, sur le fluvial et le ferroviaire, ces deux modes en concurrence avec le mode routier qui est moins efficace d'un point de vue environnemental bénéficient d'une exonération totale de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), stabilisée par rapport à l'an dernier contrairement à ce qui a été appliqué pour les autres utilisateurs de gazole non routier. Nous travaillons aussi à une transition accélérée dans l'ensemble de ces secteurs. Je pense notamment à la mission sur l'hydrogène, confiée à votre collègue M. Benoît Simian, mais aussi au dialogue engagé avec les armateurs fluviaux que nous souhaitons encourager à progresser dans le verdissement des flottes.

Je voudrais également évoquer le fret et les besoins du transport de marchandises. Outre les dotations sur le dragage que j'ai mentionnées et les investissements stratégiques portuaires prévus dans les contrats de plan État-régions (CPER), la programmation 2019 prévoit l'augmentation de 10 millions d'euros des aides aux transports combinés pour le développement, notamment, des autoroutes ferroviaires.

Enfin, la mer et l'aérien sont au coeur de ma politique. Vous savez que le Gouvernement souhaite porter une politique maritime ambitieuse, comme cela a été rappelé à l'occasion du comité interministériel de la mer (CIMer) en novembre dernier. Le programme « Affaires maritimes » porte plusieurs objectifs, notamment l'accompagnement des filières économiques dans une transition au service de l'attractivité de notre pays et de la protection de notre environnement marin. Dès lors, le budget du programme 205 dédié à ce domaine est maintenu à 157 millions d'euros qui permettront notamment la poursuite du plan de modernisation des affaires maritimes, avec la réalisation de deux projets en 2019. Il s'agira, en premier lieu, de l'amélioration de nos équipements – comme l'installation d'un nouveau système de gestion des sauvetages pour les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), plus ergonomiques pour ses utilisateurs et donc plus efficace, ou encore l'amélioration des moyens nautiques avec l'acquisition d'un patrouilleur en Méditerranée et le renouvellement d'une vedette pour l'armement des phares et balises. Le deuxième axe est la dématérialisation et le développement de portails pour les marins et les armateurs. Les objectifs de cette dématérialisation sont clairs. Il s'agit de fournir un meilleur service à l'usager, mais aussi de faciliter le travail de nos agents.

Concernant le domaine aérien, les moyens prévus dans le programme « Infrastructures et services de transport » seront augmentés de 10 millions d'euros. Ils permettront notamment de soutenir le développement de liaisons d'aménagement du territoire, qui constituent des solutions de désenclavement de certains territoires, permettant ainsi une alternative rapide et efficace à de grandes infrastructures beaucoup plus coûteuses et longues à réaliser. Par ailleurs, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » s'inscrit dans un contexte de forte croissance du trafic aérien. Au cours des huit premiers mois de l'année, le nombre de passagers a crû de 4,6 % et les mouvements contrôlés ont progressé de 1,9 %.

Il est impératif d'activer tous les leviers pour augmenter la capacité du ciel français, tout en continuant à assurer la sécurité et la sûreté du transport aérien et à réduire son impact sur l'environnement. Ainsi, les investissements seront portés à 297,5 millions d'euros, en augmentation de 45 millions d'euros, pour dynamiser en particulier les grands projets de navigation aérienne – je pense à 4flight et Datalink notamment.

Le financement de la fin du protocole social qui, je le rappelle, est un outil au service de l'amélioration de la productivité, est assuré. Le schéma d'emplois prévu est appliqué. En 2019, la stratégie de désendettement sera maintenue à hauteur de plus de 71 millions d'euros. Elle conduit, depuis 2015, à un désendettement total du budget annexe de l'aviation civile (BAAC) de plus de 500 millions d'euros.

Comme vous le constatez, 2019 marque la confirmation de notre stratégie de transformation de la politique d'investissement dans les mobilités. C'est un choix de sincérité vis-à-vis de nos concitoyens et des territoires, qui attendent de l'État des engagements réalistes et concrets. Vous constaterez que je mène un combat pour mettre mon action au service d'une nouvelle politique de mobilités, pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et à la lutte contre la pollution – qui est un impératif –, tout en assurant les conditions optimales pour développer l'attractivité et la cohésion de nos territoires, c'est-à-dire une politique qui lutte contre l'assignation à résidence, dans tous les territoires, qu'ils soient ruraux, urbains ou périurbains, ou encore qu'il s'agisse de villes moyennes. Et ce, en portant également une ambition inédite pour la mobilité propre, en accompagnant les révolutions du digital et en utilisant les possibilités que propose le développement numérique, pour permettre à nos concitoyens de se déplacer en fonction de leurs besoins.

Je vous remercie. Je vais maintenant pouvoir répondre à vos questions.

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