Intervention de Daniel Fasquelle

Réunion du vendredi 14 septembre 2018 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Je vous invite à ne pas sombrer dans la caricature, Monsieur Guerini, en attribuant un caractère politique à mes remarques alors que celles-ci sont purement techniques.

Quand vous dites que des associations pourraient attaquer des entreprises françaises au regard de leur objet social, c'est complètement faux : en réalité, elles ne peuvent attaquer des entreprises que sur le fondement juridique de la responsabilité civile, en particulier au regard des textes ayant transposé la directive européenne en matière de responsabilité civile de l'environnement.

Quand je dis à Mme Dubost que, demain, on pourrait parfaitement appliquer le droit commun de la responsabilité civile, en partant du principe qu'une entreprise n'ayant pas pris en considération les enjeux sociaux et environnementaux aurait commis une faute, je vois mal comment ce point peut être contesté : vous créez bel et bien dans le code civil une obligation nouvelle, et j'aimerais que vous m'expliquiez ce qui va se passer pour les entreprises accusées de ne pas prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux.

Le fait de ne pas prendre en compte l'intérêt social – ce qui correspond aux notions d'abus de majorité et d'abus de minorité – a abouti à ce que la jurisprudence élabore, de toutes pièces, une nouvelle responsabilité civile liée à la vie de l'entreprise. Il est évident que, de la même manière, le juge va s'emparer de ce que vous vous apprêtez à ajouter à côté de la notion d'intérêt social pour créer de nouvelles formes de responsabilité civile. Comment pouvez-vous prétendre créer une obligation qui ne soit pas sanctionnée ? Affirmer que cette obligation est inscrite dans le code civil uniquement pour que les sujets s'y rapportant soient discutés au sein de l'entreprise, ce n'est pas sérieux, et vous le savez bien : à un moment donné, quelqu'un cherchera forcément à mettre en cause l'entreprise n'ayant pas respecté cette obligation !

Puisque vous ne répondez pas quand je vous demande ce qui se passera dans ce cas, je vais vous le dire : les juges vont être saisis et vont considérer que le fait de ne pas avoir pris en considération les enjeux sociaux et environnementaux est constitutif d'une faute. Au fil du temps, une jurisprudence va se constituer, d'abord à l'intérieur de l'entreprise, puis à l'extérieur. Si vous ne retirez pas cette disposition, je vous garantis que ce que je vous prédis arrivera. Si vous voulez, nous pouvons prendre date et en reparler dans deux ou trois ans : vous serez alors bien obligé de reconnaître que vous avez créé un enfer juridique, notamment pour les PME.

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