Intervention de Frédéric Descrozaille

Séance en hémicycle du jeudi 13 septembre 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Descrozaille :

Il me semble important de rappeler certaines choses, car j'ai été un peu choqué, cher collègue André Chassaigne, que vous laissiez entendre qu'avec cette loi, l'État, tel Ponce Pilate, se lavait les mains. J'appuierai pour ma part ce qu'a dit le ministre.

Je ne retirerai rien à ce qui a été dit sur la nécessité de soutenir un métier magnifique, qui mériterait d'être bien mieux valorisé. Toutefois, entre nous, on peut quand même dire que c'est aussi un métier qui a eu pendant très longtemps une relation organique avec l'État, qui a compté sur une politique publique qui fixait des prix minimums et qui, aujourd'hui, mérite aussi qu'on lui dise de s'organiser. Nous connaissons tous des agriculteurs qui ne misent pas sur l'action collective, tout simplement parce qu'ils espèrent mieux vendre que le voisin. Les agriculteurs ont aussi besoin qu'on leur dise de se prendre en main. Dans ce texte, nous leur donnons des outils juridiques pour ce faire – nous n'avons pas encore parlé du droit de la concurrence, mais il y a des éléments très intéressants sur le sujet.

J'ai rencontré, cher collègue Ruffin, un arboriculteur qui vendait des abricots dans la Drôme – je ne donnerai pas son nom. Il était passé au travers des crises, exportait et vivait très bien. Pas moyen de le convaincre de s'impliquer dans les réunions de l'interprofession à Paris. Quand vous pénétriez dans son exploitation, il vous disait : « Moi, je fais un dessert ». Il pensait marché. Lui n'avait pas besoin d'une coopérative ou d'une action collective pour valoriser sa production. Ce qu'il faisait était remarquable. Mais ceux qui ne parviennent pas à faire cela ont besoin de se concerter, de se coordonner, de créer des organisations de producteurs plus grandes, plus fortes, plus puissantes, plus convaincantes.

Dernier point : les interprofessions. D'abord, la grande distribution n'est présente que dans quelques-unes. Ensuite, quand une filière est capable de se penser comme un tout, en concurrence avec d'autres produits alimentaires, et de se dire que l'ennemi, en quelque sorte, est à l'extérieur – par exemple, pour les fruits et légumes, en promouvant la consommation de tous les fruits et légumes – , alors, oui, il peut y avoir des accords qui sont intéressants de la production jusqu'à la grande distribution. Ce n'est pas se croire dans le monde des Bisounours que de dire cela ; c'est juste la réalité. Or, l'économie dans laquelle nous vivons et dont nous profitons tous, qui nous donne depuis des décennies des produits alimentaires sains et très peu chers, eh bien cette économie nous amène aujourd'hui à procurer aux agriculteurs certains outils, afin qu'ils s'en emparent.

Prenons l'exemple de l'Île-de-France : 12 millions de consommateurs, un pouvoir d'achat fort, une demande sociétale de produits locaux, 550 000 hectares de céréaliers. Il existe un marché : les agriculteurs peuvent diversifier leurs activités ; pour cela, il faut qu'ils s'organisent. Ils ne peuvent pas produire seuls les légumes et racines dont les Franciliens ont besoin, mais le marché existe. À travers ce texte, nous leur donnons les outils pour qu'ils puissent répondre à cette demande.

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