Intervention de Julien Dubertret

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 10h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Julien Dubertret, inspecteur général des finances :

Pour répondre à votre question sur le statut du chercheur, je considère qu'il n'y a pas lieu de le modifier, mais de mettre en oeuvre les mesures qui existent. Je pense par exemple aux primes associées au dépôt de brevet. Il faut les verser. Or tous les organismes ne le font pas. De la même façon, il est possible de faciliter l'investissement d'un chercheur dans une entreprise. Tous les organismes ne le font pas. Mais tout est là pour le permettre. L'article 41 du projet de loi devrait y aider. Dans la relation entre le chercheur et son réseau, il faut arrêter de pratiquer le principe de redevance idiote vis-à-vis d'entreprises qui ne génèrent pas encore de cash. En revanche, soutenir et prendre une participation à la plus-value le jour où elle se manifeste, si elle se manifeste, est une bien meilleure idée. Nous faisons des recommandations dans ce domaine. Il faut aussi valoriser les mises à disposition de chercheurs auprès des IRT dans leur carrière. Ce n'est pas parce que l'on travaille dans le privé que l'on doit être « tricard » pour le reste de sa vie, au contraire.

Sur le portage de la propriété intellectuelle, la question n'est pas celle des règles de l'État, mais de la mentalité des organismes de recherche, qui n'ont pas encore tous compris qu'un brevet en tant que tel n'est pas synonyme de valeur. Il est donc inutile de se battre sur quelques pourcents de propriété intellectuelle si cela retarde un projet. Il faut être suffisamment mûr pour comprendre qu'il existe des limites de participation revendiquées, et considérer que l'avenir produira ou non quelque chose dont on bénéficiera.

De manière générale, une importante évolution des mentalités est à réaliser. Il est rassurant d'observer que tel a déjà été le cas. Je pense notamment aux universités françaises. En l'espace de sept à dix ans, certaines d'entre elles ont évolué de façon spectaculaire en s'ouvrant vers la recherche privée.

Concernant le fonds d'investissement pour l'innovation, je considère que 250 à 300 millions d'euros par rapport à 2,5 milliards d'euros de moyens budgétaires sont significatifs. Nous faisons des recommandations d'usage, pour en dédier une partie aux innovations de rupture et une autre à l'agence pour l'innovation pour des défis.

Par ailleurs, le rapport entre public et privé est absolument clé pour créer de la valeur. Tous les moyens sont bons pour instaurer le dialogue entre le privé et le public. Ils existent largement, y compris pour les PME-PMI. Il faut qu'elles les mobilisent. Il s'agit notamment des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), de l'Apcom, des Instituts Carnot ou des IRT. Le soutien existe. L'argent est là. Si un projet a de la valeur, il peut être soutenu.

Enfin, sur l'État stratège et la définition des entreprises stratégiques, je propose une définition en trois parties : une entreprise de croissance, les meilleures des start-up de demain ; des entreprises matures avec une technologie clé ; des entreprises matures tellement gigantesques qu'elles ont un effet de structuration sur un pan entier de l'économie. L'on peut en avoir d'autres. En tout cas, une entreprise stratégique ne saurait être un « canard boiteux » ou une entreprise en difficulté. Ce qui est absolument vital, c'est d'avoir une idée claire de ce qu'est une entreprise stratégique, avant d'en tirer des conclusions en termes de recensement et de ce qui a vraiment de l'importance, et d'être capable de réagir avec des outils qui existent et qui ne sont pas en priorité des prises de participation publique.

Regardez ce qui se passe du côté des États-Unis : ils ont un régime de protection très efficace. Cela suppose de renforcer la fonction économique de l'État stratège, qui pense la compétitivité de demain, qui pense l'avenir des filières avec elles et qui anticipe les grandes évolutions pour être capable de les soutenir à bon escient. Or, je le disais au début de mon propos, cette fonction me paraît un petit peu étouffée par des logiques financières très court-termistes.

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