Intervention de Nicole Notat

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Nicole Notat, PDG de Vigéo-Eiris :

Dans notre esprit, la raison d'être, qui est une promesse de l'entreprise vis-à-vis de la société, est inscrite dans les statuts de l'entreprise à mission. C'est une condition, mais ce n'est pas la seule. Les entreprises qui se recommandent déjà de cette formule ont des obligations de gouvernance qui diffèrent de la gouvernance classique : une obligation de création d'un comité de parties prenantes parallèle au conseil d'administration, qui a précisément pour rôle d'indiquer s'il considère que la promesse est tenue ou non ; une obligation d'évaluation – par le label américain B-Corp ou un autre à créer – ; une obligation de rendre compte de la mesure d'impact. Ces conditions, qui sont consubstantielles de la notion d'objet social étendu ou d'entreprise à mission, ne figurent ni dans le projet de loi, ni dans l'exposé des motifs. Il risque donc d'y avoir un manque de visibilité et de compréhension sur ce que recouvrent véritablement ces concepts.

Sur le risque d'accentuation des inégalités de concurrence, je vous rappelle que nous prônons une obligation de moyens. Il ne s'agit pas, contrairement à l'entreprise à mission, d'une obligation de résultat. Il y a quelques années, un grand industriel avait fait savoir qu'il avait décidé d'installer toutes ses usines, partout dans le monde, avec la plus haute qualité environnementale et que, ce faisant, il prenait de l'avance sur ses concurrents – ce n'était donc pas une contrainte, mais un choix de se mettre en situation de meilleure attractivité et de plus grande compétitivité pour l'avenir. Je voudrais vraiment à mon tour vous convaincre que ces enjeux ne relèvent pas de la contrainte. Le projet de loi ne dit d'ailleurs pas ce qu'il faut faire, mais invite les entreprises à se saisir de ce sujet pour tirer un maximum de profit de la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux.

Faut-il attendre que l'entreprise se porte bien pour décliner la RSE ? La RSE est un levier, une opportunité. Ne pensez pas que toute intervention en RSE est un coût. Elle permet aussi des économies, à commencer par des économies d'énergie. Le raisonnement en termes de coût ou de contraintes n'est pas adapté à ce que l'on constate aujourd'hui.

Concernant le mode de désignation des administrateurs salariés, il existe désormais une élection de représentativité. Nous proposons de nous en tenir à la mesure actuelle, pour que soient présents au conseil d'administration des représentants qui ont déjà une assise reconnue dans l'entreprise.

J'ai répondu en partie au fait que la gouvernance n'est pas seulement au service des actionnaires. Dans notre rapport, nous rappelons qu'il ne peut exister d'entreprise responsable sans investisseur responsable. Nous avons entendu nombre de chefs d'entreprise, en particulier cotées, indiquer qu'il leur fallait encore convaincre leurs investisseurs financiers de s'inscrire dans le long terme. Le patron de BlackRock fait des déclarations incitant à aller vers le long terme. Cela va dans la bonne direction. Nous constatons que certains actionnaires – non pas qu'ils soient devenus philanthropes – ont pris conscience du risque de dépréciation d'actifs en fonction du type d'investissement, ou tout simplement du risque de sécurité de leurs placements ou de réputation pour eux-mêmes s'ils ne s'intéressent pas au sujet dont nous parlons.

Je connais l'étude ORSE-PWC. Nous sentons qu'un mouvement est à l'oeuvre, en tout cas en France, pour l'intégration des critères extra-financiers dans les bonus des dirigeants. Cela progresse. Cette intégration requiert la plus précision sur la nature des critères, qui doivent être mesurables. Il est important que la transparence soit de mise. Aujourd'hui, nous sommes au milieu du gué. Dans les rapports, en particuliers les documents qui sont communiqués à l'assemblée générale, l'idée d'une nécessaire transparence sur le mode de structuration des rémunérations, y compris les critères pris en compte pour les bonus, accompagne obligatoirement ce mouvement. Pour ma part, je mise sur la dynamique qui est créée. Plus le temps passera, plus il faudra être transparent devant l'assemblée générale mais aussi dans les rapports publiés par l'entreprise.

Je vous invite à prendre connaissance des recommandations du Groupe d'experts de haut niveau sur la finance durable, qui s'est réuni à la demande de l'Europe pour promouvoir la finance verte et durable, ainsi que le plan d'action que l'Europe envisage. Il s'agit notamment de favoriser l'actionnariat de long terme. Dans cette affaire, l'Europe semble avoir déjà pris la mesure de ce que peut vouloir dire une économie équilibrée à la fois sur le plan des modes de fonctionnement de la finance et sur celui du socle social déjà fourni par l'Union européenne. C'est une piste, même si tout reste à faire. En tout cas, c'est un signe très encourageant et très prometteur sur la prise de conscience de l'Europe en la matière.

Concernant l'obligation d'affecter 2 % du résultat net aux investissements RSE en Inde, je voudrais préciser, sans que ce soit une critique, que cette mesure relève davantage du domaine de l'action sociétale et du mécénat – éléments très importants, mais auxquels la RSE ne saurait se cantonner. Au demeurant, le fait que ce pays mette ainsi « le doigt dans l'engrenage » mérite d'être salué. D'autres pays s'engagent dans cette voie et c'est très heureux.

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