Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mardi 22 mai 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Non, ils n'ont pas été uniquement soumis à cette logique : ils en sont en partie responsables, et c'est à cette responsabilité que nous devons faire appel pour bâtir de nouvelles régulations.

Et puisque nous sommes politiquement responsables ici, nous éviterons toute démagogie. Nous ne demanderons pas que l'on réforme la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, dont nous savons pourtant les effets délétères, puisque nous ne l'avons pas fait dans les cinq années de la législature précédente. Nous ne considérerons pas non plus que l'Europe est une grande France, et qu'il suffit à notre pays de claquer des doigts pour y changer la donne : nous avons trop de respect pour la construction européenne pour cela.

Nous agirons avec mesure mais fermeté, car nous pensons que votre projet de loi, monsieur le ministre, tel qu'il ressort de son examen en commission, n'exploite pas totalement les marges de manoeuvre dont nous disposons. D'autres possibilités, d'autres outils seraient utiles à des agriculteurs en quête de qualité et de revenus et à une société en quête de sens.

Je citerai quelques-uns de ces outils qui permettraient à la société de se prendre en main, de se transformer, que ce soit dans les filières ou dans les territoires. Il s'agit, d'abord, des grandes organisations de producteurs : celles-ci ne doivent pas continuer à se former au fil de l'eau, par le volontariat ; elles peuvent faire l'objet d'une grande politique. Il s'agit, ensuite, de la régulation des situations d'oligopole, qui nécessite d'actionner des moyens plus puissants que ceux que nous avons mis en oeuvre jusqu'à aujourd'hui. Il s'agit également de l'expérimentation véritablement volontariste en matière de contrats tripartites, qui soient des contrats miroirs entre producteurs et transformateurs, d'une part, et transformateurs et distributeurs, d'autre part. Je suis persuadé qu'une part de notre société est prête à acheter des produits en sachant que chaque acteur est payé dignement, dans une logique de commerce équitable.

Pour le volet environnemental et sanitaire, il nous faut utiliser l'un des outils institués au moment du Grenelle de l'environnement : la haute valeur environnementale. Nous pourrions ainsi concilier le texte dont nous discutons, fruit des états généraux de l'alimentation, avec deux grandes lois : celle issue du Grenelle de l'environnement et la loi d'avenir pour l'agriculture du 13 octobre 2014, soutenue par le ministre Stéphane Le Foll il y a cinq ans.

Grâce à la haute valeur environnementale, nous pourrons donner un nom à l'agroécologie. Si nous ne le faisons pas, celle-ci sera privatisée. Au Salon de l'agriculture et chaque semaine de l'année, des distributeurs, des transformateurs déposent des noms pour la nature, la santé, de sorte que nous allons vers une privatisation des normes. Aujourd'hui, être républicain, être démocrate, c'est défendre une norme publique. L'agroécologie a besoin d'être définie par la haute valeur environnementale de niveau 3 – HVE3 – , non seulement dans les signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine – les SIQO – , non seulement dans la restauration hors domicile – RHD – , mais aussi, tout simplement, comme marque territoriale d'un pays qui se transforme. Si nous voulons, à côté de l'agriculture biologique, asseoir notre leadership en Europe en matière d'agroécologie, alors il faut recourir à la haute valeur environnementale.

Nous pouvons mettre en oeuvre ces outils sans coût pour les finances publiques, simplement en donnant à la société la capacité de se transformer. C'est ce que nous vous proposons aujourd'hui, car c'est le moyen de réconcilier tous les sens du mot « terre » que j'ai évoqués au début de mon intervention. Avec le renouvellement des générations, une envie d'entreprendre se manifeste un peu partout dans nos territoires : je le constate en permanence. À toutes ces personnes qui veulent nourrir la terre, qui veulent produire une nourriture de qualité, il faut que nous donnions des gages, en ayant la certitude qu'il y a un lien entre l'humus et l'humanisme.

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