Intervention de Cyrille Isaac-Sibille

Réunion du mercredi 9 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCyrille Isaac-Sibille, rapporteur :

Chers collègues, la proposition de loi inscrite à l'ordre du jour par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés (MODEM) vise à faire bénéficier les malades des innovations médicales les plus récentes, à faciliter le travail des équipes de recherche de nos hôpitaux et de nos universités – étudiants, médecins, enseignants, chercheurs, tous reconnus pour leur excellence –, à améliorer l'attractivité de notre pays en matière d'essais cliniques dans un environnement européen et international où les progrès médicaux s'accélèrent, et qui est marqué par une concurrence intensive. Dans ce contexte, la procédure administrative d'autorisation des essais cliniques en France mérite d'être sensiblement améliorée.

Depuis la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, dite « loi Jardé », tous les projets de recherche impliquant la personne humaine sont soumis pour avis à des comités de protection des personnes (CPP). Instances pluridisciplinaires par excellence, les CPP émettent un avis éthique sur chaque projet de recherche.

Pour être soumis à l'avis d'un CPP, chaque promoteur doit déposer un dossier auprès de la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine (CNRIPH). Celle-ci procède au tirage au sort permettant d'attribuer un dossier à l'un des trente-neuf CPP que compte notre pays. Elle est par ailleurs chargée d'harmoniser les pratiques des comités de protection, de suivre les dossiers, et constitue enfin une instance d'appel en cas d'avis négatif. En l'absence d'avis positif, aucun projet de recherche ne peut être en effet lancé.

L'instauration de la Commission nationale et la procédure de tirage au sort constituent deux des avancées majeures de la loi Jardé. Il faut y ajouter l'élargissement du champ des recherches soumises pour avis – je fais ici référence aux recherches non interventionnelles – qui contribue à une sollicitation accrue des CPP.

Cette procédure ne donne pas entière satisfaction, mais elle est perfectible. Tel est le constat opéré par notre groupe ainsi que par les nombreux et différents acteurs que nous avons auditionnés.

Pour autant, tous les acteurs s'accordent à vouloir maintenir l'existant, considérant qu'il n'est pas utile de modifier encore notre corpus juridique. Tous – représentants des CPP et des usagers, direction générale de la santé – sont attachés au tirage au sort afin d'éviter tout conflit d'intérêt entre chercheurs, industriels de santé et CPP, ainsi que de mieux répartir la charge de travail entre les CPP.

Notre proposition de loi s'inscrit dans cet esprit et ne vise qu'à rendre le mécanisme plus opérationnel.

Partant du constat que les dossiers de recherche ne peuvent être étudiés dans les délais impartis – quarante-cinq jours – le dispositif vise à rendre plus « intelligent » le tirage au sort afin que les dossiers soient orientés vers un comité doté, en son sein ou par l'intermédiaire de son réseau, de la compétence nécessaire à l'évaluation de la nature du projet de recherche. Par exemple, la réglementation rend obligatoire, pour les projets impliquant des mineurs de moins de seize ans, la présence d'un pédiatre au sein des CPP ; or plus de la moitié d'entre eux ne sont pas en mesure de satisfaire à cette obligation. Par ailleurs, faute de secrétariat disponible, certains dossiers ne peuvent être immédiatement pris en compte, conduisant de facto à un retard de traitement.

Il n'est donc pas utile, sauf à considérer que le délai d'examen ne constitue pas un enjeu majeur pour les patients, les chercheurs ou les industriels de santé, d'inclure dans le tirage au sort des comités qui ne sont pas en mesure de mobiliser cette compétence indispensable à l'évaluation de la démarche éthique du projet.

Le dispositif proposé a été soumis aux différentes institutions, organismes et personnes consultées, qui l'ont jugé simple et facilement applicable. Pour autant, des ajustements sont apparus nécessaires, sur lesquels nous reviendrons à l'occasion de l'examen des amendements.

En bref, il faut imaginer une rédaction qui permette d'ajuster le tirage au sort en fonction de la disponibilité du CPP – présence d'un secrétaire, plan de charge permettant d'assurer la gestion d'un dossier supplémentaire, prise en compte des sessions des CPP – et des compétences requises par la nature du projet de recherche – sollicitation d'un spécialiste au sein du CPP ou via le réseau établi par lui. Mme Dufeu Schubert, pour le groupe La République en Marche, et M. Berta, pour le groupe MODEM, ne manqueront pas d'y revenir. Pour illustrer notre proposition, je vous renvoie à l'annexe au projet de rapport, qui résume l'effet attendu de la proposition de loi.

Cette proposition de loi ne prétend pas résoudre toutes les difficultés identifiées par les acteurs. Elle n'entend pas moins apporter une solution souple, opérationnelle et souvent attendue. Il s'agit d'un enjeu identifié dans le cadre du huitième Conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Alors que l'ordre du jour du Parlement est particulièrement chargé, cette proposition de loi, examinée à l'occasion d'une journée réservée aux groupes minoritaires ou d'opposition, constitue le seul vecteur disponible pour favoriser des changements rapides. Le ministère de la santé, consulté, s'est spontanément rangé à notre proposition moyennant les quelques ajustements que nos collègues apporteront par voie d'amendements. Je me félicite d'ailleurs de la convergence de vue qui a régné à l'occasion des travaux préparatoires.

Au-delà, le rapport est l'occasion de proposer d'autres axes d'amélioration qui n'ont pas manqué d'être abordés au cours des auditions, et dont je me fais le modeste porte-parole. Je pense notamment aux moyens de fonctionnement dévolus aux CPP, à la reconnaissance des parcours des membres des CPP qui agissent bénévolement, ou à l'identification d'experts via une liste nationale pour faciliter le travail des CPP. Sur toutes ces questions, il appartient plutôt au pouvoir exécutif, dûment habilité, d'apporter des réponses, celles-ci n'appelant pas de modifications législatives.

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