Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 26 juillet 2017 à 11h10
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Vous nous présentez des comparaisons avec l'Allemagne, comme d'habitude, mais aussi avec cette nouvelle référence, voire ce modèle, que serait l'Espagne : la situation économique y serait si belle qu'il conviendrait d'appliquer la politique subie par la population de ce pays !

S'agissant de la différence de taux de chômage entre la France et l'Allemagne, on oublie souvent que la population active de ce pays n'a pas du tout connu la même progression qu'en France : elle a augmenté de 11,5 % entre 1991 et 2014, contre 16,6 % dans notre pays. En réalité, 8,7 % d'emplois supplémentaires ont été créés en Allemagne pendant cette période et 13,6 % en France. Si l'on prenait en compte ce qui est dû au vieillissement de la population allemande et donc le fait que les économies répondent à des besoins différents, on percevrait peut-être la situation autrement : on peut faire dire des choses très différentes à des graphiques si l'on oublie certaines données statistiques. L'augmentation de la population active en France est plutôt une force.

En ce qui concerne l'Espagne, le moindre mouvement peut être considéré comme un signe de bonne santé quand on part du fond de la piscine, à ceci près qu'il vaudrait mieux nager que se trouver dans une telle situation. Si le taux de chômage espagnol, toujours très impressionnant puisqu'il est presque deux fois supérieur à celui de la France, a un peu baissé ces derniers temps, c'est aussi en raison d'une émigration qui est la plus importante depuis la guerre d'Espagne, notamment chez les jeunes. Je ne suis pas certain que ce soit une preuve de bonne santé économique.

Dans un autre domaine, vous présentez une comparaison relative au coût du travail. Pour notre part, nous préférons parler de prix du travail, mais chacun aura compris que politique de l'offre et politique de la demande ne sont pas du même type. Je pense qu'il serait intéressant de voir un calcul analogue sur le prix du capital, faisant apparaître les sommes d'argent non investi qui sont dilapidées en actions, année après année.

La France, là-dessus, pourrait en remontrer à ses voisins européens, mais je ne suis pas sûr que cela ait un effet sur l'économie réelle. On s'apercevrait alors que certains mécanismes, comme le CICE, ont pour effet de dilapider 20 milliards d'euros par an sans contrepartie de la part des entreprises. Même selon les études les plus optimistes, très peu d'emplois sont créés, alors que les dividendes explosent ; nous détenons le record d'Europe en ce domaine. Nous pourrions ainsi constater que, plus que le prix du travail, c'est le prix du capital qui pénalise notre économie, comme il pénalise l'économie mondiale.

Votre conclusion sur les incertitudes le montre : il n'y a aucune issue structurelle à la période d'instabilité profonde que connaît le système capitaliste international. Le risque de bulle financière signifie que la crise de 2008 n'est pas derrière nous. D'ailleurs, en juillet, la présidente du FMI a expliqué qu'une nouvelle crise financière n'était pas exclue parce que les mécanismes de régulation bancaire étaient en train de s'assouplir.

Les incertitudes liées à la remontée des prix du pétrole – dont la faiblesse explique une grande partie de la croissance européenne depuis plusieurs années – montrent que notre économie est très fragile.

Quant à la montée du protectionnisme, j'aurais aimé que la montée du libre-échange figure aussi parmi les risques, avec les conséquences que pourraient avoir les traités CETA et TAFTA.

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