Intervention de Nicolas Turquois

Séance en hémicycle du lundi 13 décembre 2021 à 21h30
Accès au foncier agricole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

Je crois que nous sommes très nombreux, sur ces bancs, à vouloir une agriculture diversifiée et à taille humaine. Or force est de constater qu'il y a de moins en moins d'agriculteurs et de plus en plus de très grosses structures agricoles dont le modèle s'éloigne fortement de cette attente. Plusieurs mécanismes sont à l'œuvre : manque d'intérêt d'un certain nombre de jeunes pour un métier perçu comme difficile, faible rentabilité de l'activité ou encore difficulté d'accès à l'eau pour sécuriser les productions. Mais s'il y a un sujet à mettre au-dessus de la pile pour permettre des installations plus nombreuses en agriculture, c'est celui de l'accès au foncier. Sans foncier, aucun projet ne peut émerger : il n'en faut parfois pas beaucoup, mais il en faut toujours.

La compétition entre agriculteurs pour l'accès à la terre est une constante, sûrement depuis que l'homme est homme. Elle a pris une tout autre dimension avec la mécanisation de l'agriculture au sortir de la seconde guerre mondiale. Plus les moyens financiers étaient importants, plus les moyens mécaniques pouvaient l'être et plus grande était la surface cultivable par un seul homme. Les pouvoirs publics et la profession agricole en ont bien pris conscience en instaurant le contrôle des structures et la mise en place des SAFER au début des années 1960. Si l'on compare la situation de la France à celle de ses voisins européens en matière de concentration du foncier jusqu'au début des années 2 000, on mesure combien ce modèle a été efficace.

Il ne l'est plus. Dans la Vienne, pour ne citer que ce département où je suis moi-même agriculteur, il existe désormais des exploitations de 800, 1 000 et peut-être même 2 000 hectares : il devient impossible d'obtenir des données objectivées. On est dorénavant dans une sorte de Far West de l'accaparement foncier, qui se fait toujours au détriment du plus petit – ou de celui qui veut s'installer – et qui est, en outre, presque toujours synonyme d'une agriculture céréalière peu diversifiée.

Les raisons de cette évolution sont multiples. On peut évoquer le statut du fermage ou le travail à façon, mais il est un élément majeur qui a particulièrement contribué à cette évolution : le fait sociétaire. L'apparition des GAEC dans les années 1970, puis des EARL (exploitations agricoles à responsabilité limitée) et des SCEA a totalement bouleversé le paysage agricole. Elle a constitué une véritable avancée, permettant de séparer les biens personnels des biens professionnels, de mieux protéger les agriculteurs, notamment en cas de difficultés financières, et de faciliter les transmissions entre générations.

Mais si la constitution de sociétés agricoles a eu un effet positif, elle a néanmoins permis à certains de s'affranchir allègrement des règles de contrôle des structures, qui sont plus adaptées au contrôle des personnes physiques. Il y a une rupture d'égalité totale entre les personnes physiques et les cessionnaires de titres sociaux. Je salue donc avec enthousiasme la proposition de loi défendue par notre collègue Sempastous, qui vise à contrôler les cessions de parts de sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles au-delà d'un seuil excessif. Cette initiative parlementaire va d'abord ramener de la transparence et de la lumière là où l'obscurité de certaines officines juridiques faisait son œuvre.

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