Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 9h00
Justice sociale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry :

Ainsi, l'amendement adopté la semaine dernière, soutenu par le Gouvernement, prive le système français de la possibilité de faire de l'AAH une allocation de dignité et d'autonomie. Nous estimons que cette occasion manquée par le Gouvernement et la majorité parlementaire constitue une faute. Il s'agit d'un renoncement à faire de l'AAH une véritable allocation d'indépendance et d'autonomie. C'est également un triste message envoyé aux personnes en situation de handicap qui nourrissaient de grands espoirs dans cette proposition de loi.

L'amendement adopté en commission introduit une incohérence juridique et légistique : au Sénat, l'adoption conforme de l'article 2 de la proposition de loi modifie l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale pour que l'AAH ne puisse varier qu'en fonction du nombre de personnes à charge et non plus de la situation conjugale. Sans aucun changement de cette disposition, la modification de l'article 3 de la proposition de loi votée en commission prévoit, dans cet article L. 821-1, un plafonnement fondé sur les revenus du conjoint : je vois dans vos décisions une omission et un blocage manifestes.

Cette allocation importante, créée en 1975, a été revalorisée à de nombreuses reprises ces dernières années, notamment lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy où elle avait augmenté de près de 25 %. Elle est accordée à toutes les personnes en situation de handicap pour assurer un minimum de ressources lorsqu'elles ne bénéficient pas d'un revenu d'activité. Elle est attribuée au titre de la solidarité nationale. Aujourd'hui, 23 % des bénéficiaires de l'AAH vivent en couple : près d'un quart des bénéficiaires seront donc touchés par la rédaction actuelle de la loi, ce qui n'est pas rien.

Les membres du groupe Les Républicains ne conçoivent pas que l'on puisse faire subir à des personnes des mesures de discrimination en raison de leur handicap. La prise en compte des ressources du conjoint dans le calcul de l'AAH instaure de fait une relation de dépendance, pour ne pas dire de soumission, à l'égard du partenaire ou du conjoint. Cette dépendance est encore plus visible et emporte davantage de conséquences pour les femmes en situation de handicap : c'est inacceptable !

L'objectif louable et légitime de la version initiale du texte visait à déconjugaliser le versement de l'AAH pour que les personnes en situation de handicap en conservent l'entier bénéfice ainsi qu'une certaine autonomie. Voilà le principe et rien d'autre ! En partant du postulat selon lequel le handicap est individuel, nous trouvons normal que le bénéfice de l'AAH le soit également. Notre position n'est pas plus compliquée que cela. Les arguments comptables avancés par certains de nos collègues pour balayer l'avancée du texte initial m'apparaissent illusoires.

Chers collègues de la majorité, vous serez tenus responsables des difficultés que les personnes en situation de handicap continueront de subir. En effet, vous maintiendrez les bénéficiaires de l'AAH dans la nécessité d'effectuer un choix moral entre l'amour et l'indépendance financière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.