Intervention de Pr Thibault Douville

Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Pr Thibault Douville, professeur des universités, directeur du master Droit du numérique à l'Université Caen Normandie :

Le DSA ne prévoit en effet pas l'encadrement des conditions générales d'utilisation, au-delà d'une exigence de transparence et de la nécessité de préserver la liberté d'expression – cela demeure très vague.

À titre individuel, les utilisateurs pourront toujours se prévaloir d'une atteinte à leur liberté d'expression résultant de l'application des conditions générales d'utilisation. On peut imaginer que certaines conditions générales d'utilisation prohibant certains propos soient contraires à la liberté d'expression : la clause pourrait alors être déclarée illicite car contraire à l'ordre public, et frappée de nullité partielle.

À titre plus général, est-il possible d'imaginer un mécanisme de contrôle des conditions générales d'utilisation ? On pourrait dresser un parallèle avec le mécanisme de contrôle des clauses abusives en droit de la consommation. Il pourrait être intéressant d'intégrer dans le DSA un mécanisme similaire de contrôle visant à encadrer ou à limiter la liberté d'expression sur les plateformes, afin de déterminer les frontières du licite et de l'illicite dans ces clauses. Cela est tout à fait imaginable. En la matière, le mécanisme de contrôle des clauses abusives est un bon exemple qu'il serait possible de dupliquer.

Le DGA constitue une proposition très intéressante qui vise à faciliter le partage des données. Le texte considère que les données constituent une infrastructure qu'il est possible et souhaitable de mobiliser pour différents usages et en vue de différentes finalités. Le DGA propose donc la mise en place de services de partage des données à travers les data hubs. La difficulté de ces plateformes est la confiance des utilisateurs, aussi bien ceux détenant les données que ceux qui pourraient les réutiliser, à la fois, quant aux jeux de données et à la protection du secret et aux finalités de la réutilisation. L'instrument européen cherche à répondre à cet enjeu de confiance. Il promeut certains services nouveaux, comme la mise à disposition de données à caractère personnel en faveur de réutilisateurs ou la mise en place de services de coopératives de données.

Au-delà de son affirmation de principe, très intéressante, beaucoup de questions se posent. Le partage des données demeure facultatif et volontaire. La question de la qualité des données partagées se pose : nous avons besoin d'un référentiel en matière de fraîcheur, de format, de contenu et des finalités de réutilisation des données. Les data hubs mis en place ne sont pas toujours une réussite : il demeure un écart entre l'affirmation politique et économique de la création d'un data hub et les réutilisations effectives de données. Il n'est pas certain, pour l'heure, que les data hubs aient trouvé leur public.

Je relève un constat final intéressant : les acteurs concurrents de l'État (les GAFAM et les BATX) collectent des données et les conservent pour améliorer leurs services et dégager de nouvelles connaissances. L'état du droit de l'Union, en revanche, ne va pas dans le sens d'une affirmation du partage des données. Par exemple, le Règlement européen Platform to business de 2019 vise à rétablir l'équilibre entre plateformes et entreprises utilisatrices et pose une exigence de transparence, quant au partage de données, en faveur des utilisateurs. On peut donc se poser la question de savoir si la simple mise en place d'un cadre de confiance pour le partage des données est suffisante afin de tirer parti des données collectées. Il pourrait être important également de diffuser une culture de la donnée à destination des acteurs économiques et des citoyens, afin de favoriser l'utilisation des données et de développer des solutions techniques qui permettent leur valorisation – celles-ci ne sont pas forcément disponibles actuellement.

Le texte est donc intéressant pour le cadre de confiance apporté, mais je ne suis pas certain qu'il réussira à atteindre son objectif qui est de favoriser la mise en place d'une économie de la donnée.

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