Intervention de Régis Juanico

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 14h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico, rapporteur :

Je remercie Caroline Fiat et Pierre Dharréville pour leurs commentaires constructifs. Je salue aussi Paul Christophe pour la modération de ses propos. J'ai entendu ses remarques sur le caractère prématuré du dispositif, mais nous y viendrons.

La majorité est peut-être gênée, monsieur Borowczyk, mais moi, je ne le suis pas du tout. Je n'ai jamais réécrit ma proposition de loi : l'appel à la solidarité nationale et au financement de l'État figurait déjà dans la première version du texte. En revanche, vous avez écrit trois fois votre proposition de résolution ! Vous en avez déposé une première le 1er décembre, puis une autre le 22 décembre ; dans la troisième, déposée en janvier, vous avez opportunément ajouté un volet relatif à l'indemnisation. L'argent n'est peut-être pas le problème, mais, même quand ils déposent une proposition de résolution, qui est une pure déclaration d'intention, les députés de la majorité commencent à penser qu'il faudra un jour indemniser les victimes. L'argent n'est pas le problème, sauf pour tous ceux qui ne sont plus capables de travailler ! Il faut bien mettre en place des mécanismes de compensation.

Certes, les malades bénéficient de la prise en charge à 100 % des soins, qui est très importante. Mais le caractère d'affection de longue durée n'est pas reconnu à tous les malades : c'est un problème. Le covid long se caractérise par de vrais handicaps, par des symptômes invalidants et persistants. Les personnes qui en sont atteintes ne peuvent pas retourner à une vie normale, ni reprendre leur vie professionnelle – quand elles retournent au travail après un premier arrêt, elles sont obligées de s'arrêter à nouveau. La recherche fait de vrais progrès ; elle pourra nous aider à comprendre.

Bernard Perrut, qui a tenu, comme à son habitude, des propos très modérés, a évoqué la nécessité de disposer de données chiffrées. Vous le savez, le bilan que nous pouvons dresser aujourd'hui n'est que provisoire. Malheureusement, nous venons de passer la barre des 80 000 décès dans notre pays. Plus de 30 000 de ces décès sont survenus en EHPAD. Nous en sommes à environ 3,3 millions de cas déclarés de covid-19 depuis le début de la pandémie. Quelque 300 000 personnes ont été hospitalisées. Lors de la première vague, beaucoup de patients hospitalisés ont dû être admis en réanimation, et parfois intubés, avec des séquelles graves qu'il est tout à fait possible de quantifier – je les ai décrites tout à l'heure. Lors de la deuxième vague, moins de personnes ont été intubées, du fait du recours croissant à l'oxygénothérapie et aux traitements à base de corticoïdes : il y a eu moins d'interventions invasives, ce qui explique peut-être le moins grand nombre de séquelles graves. Mais certains patients sont confrontés au covid long et à ses nombreux symptômes polymorphes. Cette situation concernerait environ 10 % des personnes ayant été touchées par la covid, même dans une forme moins grave. Dans certains pays, on parle plutôt d'une fourchette de 20 à 30 % – c'est en tout cas ce que laissent à penser des statistiques qui nous remontent d'Amérique du Nord. Quoi qu'il en soit, plusieurs centaines de milliers de malades pourraient être concernés par ces formes durables, longues, de la covid-19. Nous devons nous y préparer dès maintenant.

La question de la responsabilité de l'État n'est pas du tout l'objet de la proposition de loi. Des procédures pénales ont été engagées devant des tribunaux, notamment devant la Cour de justice de la République. Ces procédures, très complexes, mettront beaucoup de temps – de nombreuses années – à aboutir. Ce n'est pas notre affaire. Par ailleurs, les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale ont effectué un travail politique remarquable. Dans l'exposé des motifs de notre proposition de loi, nous n'avons fait que citer quelques extraits des rapports de ces commissions ; il ne s'agissait pas de pointer la responsabilité de l'État. Nous voulons faire appel à la solidarité nationale : c'est pourquoi nous prévoyons un financement provenant très majoritairement de l'État et accessoirement de la branche AT-MP.

L'indemnisation ne s'oppose pas aux soins ; elle leur est complémentaire. Elle sera nécessaire – vous le verrez dans quelques mois, lorsque les victimes témoigneront de leur difficulté à reprendre une vie normale et qu'elles se mobiliseront pour obtenir une indemnisation. Il faudra bien, alors, que nous nous penchions sur le sujet.

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