Intervention de Jean-René Binet

Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 14h15
Mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis du xxie siècle

Jean-René Binet, directeur de l'école doctorale de droit et de science politique (ED DSP) :

La question que vous me posez sur les différents modèles est liée à ce que je vous ai indiqué s'agissant de l'Autriche, qui a tenu à conserver une essentielle différence entre ces deux modèles conjugaux que sont le partenariat enregistré et le mariage. Si nous comparons le modèle autrichien au modèle français, nous voyons qu'à l'inverse, nous assistons à une convergence de nos deux modèles qui n'est pas totale. Il existe encore des différences tout à fait essentielles entre le PACS et le mariage. La première de ces différences est que nous ne faisons pas découler de conséquences familiales de la conclusion d'un PACS. Ce dernier ne crée pas de vocation successorale réciproque entre les partenaires. Le PACS n'est pas fondateur de filiation, comme peut l'être le mariage, par le jeu de l'article 312 du Code civil. Comment faire évoluer nos modèles ? Est-il possible de faire un retour en arrière ? Si je comprends bien, votre question est : serait-il possible que le droit français devienne comme le droit autrichien ? S'agissant de cette comparaison entre nos deux modèles, nous pourrions nous dire qu'en France, la convergence doit aller jusqu'au bout, c'est-à-dire que plutôt que d'avoir d'une part le PACS, et d'autre part le mariage, dont les conditions de formation sont essentiellement similaires – quasiment les mêmes empêchements, les mêmes conditions de capacité, etc. – nous fusionnons les deux modèles en un, en créant un mariage à degrés, avec des régimes optionnels.

Cela pourrait fonctionner un peu comme le régime légal pour les biens. Nous pourrions tout à fait imaginer un régime supplétif de volonté avec des degrés de mariage qui supposerait une manifestation explicite, qui ne passerait pas nécessairement par la conclusion d'un contrat de mariage devant le notaire et pourrait se faire par voie d'interpellation de l'officier d'état civil. Nous pourrions alors dire que PACS et mariage sont aujourd'hui les deux variantes d'une même réalité dont il faut favoriser la convergence. C'est proposé par certains de mes collègues qui prônent la consécration d'un droit commun du couple.

L'autre option serait de maintenir la coexistence de ces deux régimes juridiques, en considérant que chacun a sa légitimité, mais qu'il est indispensable de renforcer les différences pour plus de lisibilité et éviter cette situation de concurrence. Ce serait dans l'esprit autrichien, c'est-à-dire faire un PACS réservé aux couples de même sexe et refaire un mariage réservé aux situations d'altérité sexuelle. Le pourrait-on ? Rien ne l'interdit. Le fera-t-on ? La balle est dans votre camp.

Pour les questions de procréation, c'est un peu indépendant de la question du mariage ou du PACS. C'est la question de la possibilité de l'établissement d'un double lien de filiation unisexuée pour l'enfant. C'est la question à laquelle l'Assemblée a répondu avec la reconnaissance conjointe du couple de même sexe par acte notarié avant la réalisation de la PMA. C'est une solution qui est possible sans interférer avec le mariage. Il faudrait savoir si nous pouvons aller plus loin en créant ce que certains appellent de leurs vœux, c'est-à-dire une présomption de co-maternité dans le mariage, par exemple.

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