Intervention de Julien Damon

Réunion du lundi 16 septembre 2019 à 15h35
Mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis du xxie siècle

Julien Damon, conseiller scientifique de l'École nationale supérieure de sécurité sociale (En3s) :

Première chose, l'objectif de la modulation était de gagner de l'argent. Nous n'avons pas gagné autant que nous le souhaitions, mais c'est quand même une économie de quelques centaines de millions d'euros. Nous n'atteignons pas le milliard, tel que cela pouvait être évoqué, mais quelques centaines de millions d'euros.

Sur la politique familiale, j'avais pu écrire qu'il s'agit d'une politique de gribouille. Toutes les personnes qui sont à la manœuvre de la politique familiale le savent, lorsque nous avons décidé de la modulation des allocations familiales, une réforme assez substantielle de ces allocations, le ministère en charge ne savait pas la veille ce qui allait être décidé. Les deux dossiers de presse étaient préparés, l'un pour dire « Formidable, nous allons faire une belle modulation », l'autre pour une tout autre mesure, pour laquelle je plaiderai, qui était de fiscaliser les prestations. Les fiscaliser, cela veut dire les rendre imposables. En gros, cela rapporte à peu près la même chose. Je pense que les rendre imposables, c'est plus indolore et cela conserve le système d'universalité de ces prestations. Le problème est que cela rend imposable une partie de la population. Sans que ce soit une critique à l'égard de ce gouvernement, d'autres ont fait à peu près la même chose, mais cela s'est moins vu. C'est une politique de gribouille, il n'y avait pas de doctrine derrière cela.

Deuxième chose, en 2013, avec le passage d'une prestation prime de naissance avant la naissance de l'enfant à après la naissance de l'enfant, qu'est-ce qu'il y a derrière ? Il y a le fait d'économiser quelques dizaines de millions d'euros, déstabilisant un peu le budget des ménages, parce qu'il faut préparer la chambre de l'enfant avant qu'il arrive et non après qu'il est arrivé. C'est facile quand l'on est ici, de ce côté de la table, mais évidemment derrière tout cela, il y a un grand sujet qui est l'équilibre des finances publiques et qu'il faut avoir à l'esprit.

C'est exactement la même chose que pour la modulation des allocations familiales. Il y a eu des discussions serrées, du simple point de vue budgétaire, pas de l'intérêt véritable des familles, sachant que si nous avons le sujet de l'équilibre des finances publiques à l'esprit, il y avait, si on parle de la modulation, une tout autre option qui pouvait rapporter davantage : cette fiscalisation des prestations. Je précise que ce n'est pas la fiscalisation de leur financement, mais le fait de les intégrer dans les revenus imposables, dans les ressources qui vont peser sur l'impôt sur le revenu.

Sur la PreParE, je pense qu'en effet il s'agit d'un gros échec, mais elle a permis de faire des économies. Je ne sais plus le montant, mais c'est substantiel, c'est de l'ordre de la centaine de millions d'euros d'économies, pour une prestation que l'on imaginait que les hommes allaient prendre. Nous avons organisé sciemment le non-recours à cette prestation. Du côté du ministère des affaires sociales ou de Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui était un peu à la manœuvre sur cette affaire, il s'agissait de pousser les hommes à prendre le congé parental. Du côté Bercy, c'était « Oui, très bonne idée », parce que l'on imaginait très bien que cela n'allait pas marcher. Que faudrait-il faire ? Je pense que la situation antécédente n'était pas mauvaise. Il y avait davantage de prises du congé parental, même s'il y avait ce problème d'inégalités qui ne se règle pas.

Sur le plan crèche, je croyais qu'ils n'avaient pas évoqué de chiffres, c'était peut-être sur le temps du quinquennat, parce qu'auparavant c'était : « Nous allons en faire 30 000 par an. » Maintenant, ce sont 30 000 sur cinq ans. C'est très bien, il faut davantage d'offres, il faut tenter de combler cette offre, mais ce n'est pas qu'à la mesure des caisses d'allocations familiales, ce sont les collectivités locales qui seront finalement à la manœuvre. Elles ont ou non le foncier, elles ont ou non la possibilité de trouver les opérateurs. Il existe des difficultés qui ont dû vous être rapportées, comme la difficulté de trouver du personnel pour travailler dans les crèches.

Le sujet de fond, à mon avis, est : à qui doivent être destinées les crèches ? Le plan pauvreté met en avant une sorte de critère de ressources qui est de dire : « Nous allons faire des crèches et il y aura une forme de passage prioritaire pour les familles pauvres. » Est-ce que cela est logique ? Je pense que cela est discutable. Nous socialisons les crèches, alors qu'elles devraient être davantage ouvertes à tout le monde, ce qu'elles sont, mais une priorité pour les plus pauvres n'est pas forcément la bonne idée, de mon point de vue.

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