Intervention de Julien Damon

Réunion du lundi 16 septembre 2019 à 15h35
Mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis du xxie siècle

Julien Damon, conseiller scientifique de l'École nationale supérieure de sécurité sociale (En3s) :

Première chose, il n'y a que 5 % du montant des dépenses de prestations familiales qui sont totalement indépendantes des ressources. L'allocation de soutien familial ne présente aucune modulation ni condition stricte de ressources. Toutes les autres sont d'une manière ou d'une autre modulées. Est-ce que c'est un bien ou un mal ? Je ne saurais le dire, mais la tendance a été à cela.

Sur la fécondité, je pense que la modulation n'a strictement aucune influence sur la fécondité – cela ne veut pas dire qu'il s'agit de la vérité. Il y a eu des expériences naturelles d'économistes brillants pour regarder ce qu'ont été les impacts de certaines transformations de la politique familiale, par exemple l'abaissement du montant possible du bénéfice du système du quotient familial. C'est extrêmement faible. Cela pose une question assez générale : nous avons une politique familiale à la française qui historiquement a beaucoup mis l'accent sur la fécondité, est-ce un problème pour la France d'avoir un taux de fécondité conjoncturel à 1,9 ? Pour les Français et pour l'actualité, ça l'est. Depuis trois ans, la fécondité baisse un tout petit peu.

Première chose, nous sommes, en Occident, le pays qui a le taux de fécondité le plus élevé. Quand je dis en Occident, il y a l'Union européenne et les États-Unis. Nous avons écrasé les Américains qui étaient devant nous depuis très longtemps. Je pense que plusieurs choses permettent un niveau de fécondité relativement élevé par rapport aux autres pays.

D'abord, le souci de l'égalité hommes-femmes. Une des raisons pour lesquelles la fécondité est si dégradée en République de Corée ou au Japon est qu'il est impossible pour une épouse d'exercer une activité professionnelle sans avoir sur le dos ses enfants et ses beaux‑parents. Ce n'est pas le cas en France, puisqu'une femme jeune peut avoir des enfants et les faire garder à l'extérieur de son domicile quand elle travaille, mais cela n'est pas encore le cas partout en Europe. Cela n'est pas forcément le cas en Allemagne malgré l'exemple de Mme Von der Leyen, présidente de la commission, qui a été ministre de la Famille en Allemagne.

Je pense aussi que la question migratoire, qui est une des questions les plus sensibles, a son impact. Un impact peut-être exagéré selon certains, mais en tout cas un impact sensible sur la fécondité, sur les pays où l'immigration est la plus faible et la plus rejetée, où la xénophobie est la plus élevée, comme le Japon où la fécondité est la plus faible.

Pour certains, le haut niveau de fécondité est presque le problème de la politique familiale, alors qu'elle devrait être regardée sur d'autres variables. Je ne suis pas là pour dire : « Soyons tous super écolos », comme le font certains pour dire que tout petit enfant qui arrive est un désastre humanitaire. Pour la France, je trouve que la fécondité n'est pas un problème.

La France devrait encore mieux vendre sa politique familiale. En effet, elle lui permet d'avoir près de 60 % des enfants de 0 à 3 ans qui peuvent prétendre à une place en crèche, à un mode de garde dit formel, c'est-à-dire une assistante maternelle ou une place dans un accueil collectif. La France a un taux à l'index de fécondité de 1,9, mais nous passons notre temps à nous taper sur le dos en disant : « Notre fécondité baisse un tout petit peu, c'est presque la fin du monde, nous sommes mauvais en accueil de la petite enfance ». Ce n'est pas vrai. Je pense même qu'en matière de soft power international, nous devrions vendre nos compétences en la matière.

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