Intervention de Irène Théry

Réunion du lundi 9 septembre 2019 à 18h05
Mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis du xxie siècle

Irène Théry, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) :

Bien sûr. Je ne crois pas du tout que l'égalité passe par l'indifférenciation des sexes. Mais la distinction des sexes n'est pas forcément organisatrice des droits. Les deux parents pourront ainsi s'occuper des enfants, parfois de façons différentes que l'on observera, mais qui ne seront pas constitutives de droits différents. L'égalité s'entend en tout cas comme l'égale implication des deux sexes dans la filiation et dans la famille. Il n'est donc pas question d'effacer les hommes.

Cependant, la façon dont les hommes prennent leur place, en particulier à l'égard de la naissance des enfants, évolue. Les hommes peuvent ainsi être géniteurs et se revendiquer pères de ces enfants, mais ils peuvent aussi devenir pères par l'adoption, devenir pères en recourant à un donneur de sperme ou être ces donneurs qui aident d'autres à devenir parents. Dans les familles homoparentales auxquelles vous pensez, l'enfant est donc bien issu des deux sexes. Il existe une façon symbolique de le lui dire. Ses mères lui disent ainsi que sa naissance a été rendue possible par le don d'un gentil monsieur, et qu'il n'est pas du tout différent des autres enfants sur ce point. Sa différence est simplement d'avoir été désiré dans un foyer constitué par un couple de femmes.

Pour autant, contrairement à ce que croit Mme Agacinski, il n'y a là aucun déni de la différence des sexes. Nous considérons simplement qu'il est important que les personnes homosexuelles ne soient plus renvoyées à leur situation passée. Il faut savoir en effet qu'elles ont toujours eu des enfants, en épousant une personne de l'autre sexe et en vivant une double vie, comme le baron de Charlus dans A la recherche du temps perdu. Or les homosexuels ont voulu en finir, et tout le monde est d'accord avec eux, avec le placard, la double vie et le mensonge, et pouvoir vivre au grand jour ce qu'ils sont et que notre société reconnaît comme une façon légitime et belle de pouvoir vivre sa sexualité.

Il est donc normal que des femmes se demandent si elles peuvent faire une famille sans avoir à se cacher. La place de l'homme est alors celle d'un donneur. L'on dira à l'enfant qu'un homme a contribué à son existence, mais qu'il ne voulait pas être son père. Il voulait permettre à deux femmes de l'avoir et de l'élever. À ce titre, la place du donneur n'est pas seulement celle d'un fournisseur d'un matériau interchangeable de reproduction, mais relève d'un statut qui reste à inventer.

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