Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Monsieur de Courson, répéter une contre-vérité n'en fait pas une vérité. L'interdiction de l'instruction en famille en Allemagne n'est pas d'origine nazie : elle a été prévue par une constitution considérée comme protectrice des libertés, celle de 1949, et dire le contraire est tout simplement injurieux pour les Allemands. De même, en Espagne, c'est la constitution de 1978 qui ne prévoit pas l'IEF et qui, donc, a contrario l'interdit. Une loi suédoise de 2011 interdit également l'IEF au nom des droits de l'enfant – mais sans doute allez-vous nous dire qu'elle émane également d'un régime totalitaire. Il est grave de dire des choses fausses comme cela ; il y a d'autres arguments à avancer.

S'agissant du Conseil d'État, vous surfez un peu sur une vague d'inspiration complotiste qui court sur les réseaux sociaux, comme s'il existait un rapport secret. C'est assez grave, alors que, normalement, c'est le sérieux qui émane de vous, monsieur le député, que vous entremêliez des choses sérieuses et d'autres tout à fait inexactes. Si vous les répétiez après que je les aurais démenties, vous le feriez sciemment. Vous faites semblant de ne pas voir qu'il s'est passé l'inverse de ce que vous dites : c'est précisément parce que le Conseil d'État a signalé des risques potentiels d'inconstitutionnalité dans la version initiale, et que nous les avons pris en considération, que vous a été communiquée une version différente. Vous avez d'ailleurs souligné à l'envi cette évolution.

Celle-ci témoigne du fait que nous sommes à l'écoute, contrairement à ce que vous dites, et que nous n'avons pas voulu attaquer des modes d'IEF qui ne posent aucun problème. Là encore, vous jouez un jeu bizarre : vous essayez de faire croire que l'on va supprimer l'IEF dans des familles où elle ne sera pas supprimée, et vous créez une peur inutile. Pourtant, tout est très clair, et dans ce que nous avons écrit et dans ce que nous avons dit ; et si cela ne l'était pas suffisamment, le Conseil d'État nous a invités à prendre en compte les risques, ce qui constituerait plutôt un argument en faveur d'une forte sécurité juridique de notre action.

Sur le reste, il est très important de bien établir que ce qui est derrière cet article est la protection des droits de l'enfant, et donc celle des libertés : vous faites donc, les uns et les autres, du mot « liberticide » un usage que je trouve très large. Du reste, votre conception des libertés me semble à géométrie variable : sur d'autres sujets, vous êtes prêts à les limiter très fortement, et sur celui-ci, parce que vous voulez en faire un cheval de bataille et effrayer à mauvais escient, vous utilisez des grands mots et faites des références historiques inexactes.

Je vous invite donc à ne pas créer d'incident diplomatique avec nos amis européens, dont les constitutions sont protectrices des libertés. La limitation de l'instruction en famille qui y trouve son fondement n'a jamais soulevé de difficulté, vous le savez bien, devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Je rétablis aussi les faits concernant l'avis du Conseil d'État ; tout le monde peut les vérifier. Il y a eu un cheminement, dont l'objectif est précisément de tenir compte des risques d'inconstitutionnalité.

Respectons aussi l'État de droit. Il est bien normal qu'il y ait une discussion parlementaire, mais également que l'on essaie de démêler le vrai du faux, en distinguant ce qui relève ou non de l'argumentation. Il est bien normal qu'il existe des opinions différentes. Ensuite, le Conseil constitutionnel rendra sa décision. Tous les propos qui tendent à relativiser sa jurisprudence ou à expliquer que les dispositions présentées n'y sont pas conformes me paraissent inquiétants, comme l'a dit le rapporteur général, eu égard à la conception que nous nous faisons de la démocratie et de l'État de droit.

Les sujets que nous traitons sont sérieux ; l'actualité nous rappelle qu'ils doivent être maniés avec précaution. Dès lors que nous débattons entre partis républicains, entre mouvements respectueux de la République et de la démocratie, nous devons faire très attention aux arguments et aux termes que nous employons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.