Intervention de Belkhir Belhaddad

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 15h00
Taxe sur les transferts de sportifs professionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBelkhir Belhaddad :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'objectif de la proposition de loi est louable, celle-ci se heurte néanmoins à plusieurs limites d'ordre juridique, économique et technique. Ce premier élan fait place au principe de réalité. Le sport représente aujourd'hui 1,8 % du produit intérieur brut, plus de 35 milliards de chiffre d'affaires, et un peu plus de 290 000 emplois directs. La moitié de ce chiffre d'affaires est financée aux deux tiers par les collectivités locales ; viennent ensuite l'État, les régions et les départements. N'oublions pas aussi de valoriser le bénévolat : dans l'agglomération messine, j'ai compté environ 1,6 million d'heures de bénévolat chaque année ; si on les valorisait, elles représenteraient plus de 16 millions d'euros. En outre, 80 % des infrastructures sportives appartiennent à ces collectivités, et ces infrastructures comprennent à la fois le city stade, les stades de ligue 1 ou les arénas.

Ensuite, il faut distinguer, dans le champ professionnel, le football et le rugby, qui ont un modèle économique fondé notamment, depuis ces quinze dernières années, sur les droits de diffusion à la télévision, qui représentent un tiers de leur budget. Il faut aussi distinguer le basket-ball, le hand-ball et le volley-ball, dont les budgets dépendent largement de financement public – ces derniers représentent, dans le secteur du volley-ball, 20 à 80 % du budget – et, enfin, les clubs amateurs, qui dépendent presque exclusivement de financements publics. On voit bien là l'hétérogénéité du modèle du financement du sport français, qui présente de grandes fragilités à tous les niveaux.

Certes, il existe une vraie défiance vis-à-vis du sport professionnel, notamment en raison des montants très importants des transferts des joueurs. En outre, je partage le constat des difficultés rencontrées par nos clubs amateurs – elles ont été rappelées. Pour autant, cette proposition de loi n'apporte pas de réponses satisfaisantes aux problèmes évoqués précédemment. Il n'y a pas d'étude d'impact économique, juridique et technique : la proposition de loi est donc très fragile et ses dispositions risquent notamment de ne pas être conformes au droit communautaire. À cet égard, je salue la volonté de Mme la ministre d'essayer de modifier les choses sur le plan européen.

En outre, des mécanismes de soutien au sport professionnel et au sport amateur existent déjà, même s'ils sont insuffisants ; je pense notamment à la taxe Buffet. Le mouvement sportif a également organisé une certaine solidarité entre sport professionnel et sport amateur, notamment à travers le versement d'indemnités aux clubs formateurs lors des transferts internationaux de joueurs. Par exemple, le centre de formation du FC Metz a investi, grâce à ces transferts, près de 700 000 euros au cours des trois ou quatre dernières années dans un centre de formation à Dakar et à Metz. Les enfants de Dakar et de Metz suivent un parcours de réussite éducative et sportive remarquable et exemplaire.

J'ajoute que le football professionnel français finance directement le football amateur grâce au Fonds d'aide au football amateur – FAFA – , doté de 15 millions d'euros. Ainsi, la ville de Metz a pu profiter de ces fonds, pendant ces dix dernières années, pour investir massivement dans nos équipements. Cela a été également le cas pour les terrains de rugby, après la coupe du monde organisée en 2007.

Je pense qu'il vaut mieux renforcer ces dispositifs. Nous savons tous ici que le sport professionnel est un phénomène de société majeur rassemblant un grand nombre de spectateurs et de téléspectateurs. Or, force est de constater qu'aujourd'hui, le sport professionnel et les clubs français sont en grande difficulté. À cet égard, il faut bien avoir conscience que le sport professionnel français ne peut se réduire à quelques rares clubs disposant de ressources financières substantielles, en particulier dans le football.

Au-delà du contexte économique global défavorable, cette situation préoccupante des clubs français provient essentiellement de facteurs structurels : leurs recettes ne sont pas suffisamment diversifiées. C'est la raison pour laquelle un certain nombre de propositions avaient été faites lors de la remise du rapport sur le sport professionnel en avril 2016 à Thierry Braillard, secrétaire d'État aux sports. De même, la loi Bailly visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, adoptée en début d'année, a permis des avancées importantes, notamment au sujet de la garantie d'emprunt accordée par les acteurs publics.

L'un des objectifs est bien de permettre aux clubs professionnels d'acquérir, à court et moyen terme, les stades qui deviendront pleinement leur outil de travail et leur permettront de générer des recettes nouvelles. Ainsi, ils ne dépendront plus des financements publics. Cela permettra notamment de financer les clubs amateurs. Voilà un changement de paradigme qu'il me semble vraiment intéressant de poursuivre pour le sport français, pour nos concitoyens et pour la France.

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