Intervention de Jean-François Debat

Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 9h30
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Jean-François Debat, président délégué de Villes de France :

Villes de France regroupe les communes de 10 000 à 100 000 habitants et les intercommunalités comptant jusqu'à 150 000 habitants.

La surprise exprimée par Philippe Laurent et France urbaine à propos de l'évolution des chiffres est également la nôtre. Nous souhaiterions des chiffres par strate de communes. Même si les communes ont été moins affectées qu'on ne pouvait le craindre il y a huit ou dix mois, elles l'ont été néanmoins, et nous n'arrivons pas à nous retrouver dans ces chiffres. Selon nous, les charges de centralité des villes ne sont pas suffisamment prises en considération car la dynamique de ces charges n'a pas faibli. En revanche, pour les communes n'ayant pas ou peu de charges de ce type, une part d'élasticité des dépenses en 2020 explique probablement les chiffres globaux.

Si les communes ont, finalement, très peu bénéficié du fonds de compensation en 2020, ce n'est probablement pas parce qu'elles n'ont pas perdu de recettes, mais parce que les critères étaient très exigeants : dans mon agglomération, nous avons perdu 2 millions d'euros sur un montant total de 60 millions d'euros de recettes de fonctionnement courant. Il aurait fallu des pertes 1,5 fois supérieures pour commencer à toucher quelque chose.

Nous constatons également un double effet sur les communes. Tout d'abord, la dynamique des recettes sera, à l'avenir, très faible, en raison de la suppression de la taxe d'habitation. Sans évolution de taux, nous perdons de la dynamique de recettes spontanée. En conséquence, notre capacité de financement pour les trois prochaines années est affectée par l'évolution incertaine de nos recettes, liée à la suppression de la taxe d'habitation.

Ensuite, en 2021, nos recettes continueront de diminuer – François Rebsamen a évoqué la question des redevances. Cela pèsera sur notre capacité d'autofinancement. Il ne sera probablement pas massif mais cet effet existera bien. De plus, la suppression de la taxe funéraire constitue pour nous une vexation, d'autant qu'elle aura en réalité un impact nul sur les familles. Rien n'oblige en effet les opérateurs funéraires à la répercuter sur ces dernières. Certes, ce ne sont pas des sommes considérables, mais c'est une mauvaise manière de plus.

Pour les communautés d'agglomération, l'augmentation des dépenses a été beaucoup plus forte que pour les communes, y compris si l'on en juge d'après les chiffres du ministère. Cette augmentation va se poursuivre, notamment parce que nous allons continuer à accompagner la politique des entreprises.

En ce qui concerne la CVAE, après un effet mécanique, et attendu, lié à la dégradation de la situation de certaines entreprises en 2020, nous assisterons en 2021 à une baisse de dynamique puisqu'une partie de la base sera gelée et ne connaîtra plus aucune évolution. Nous continuons donc de demander que les effets de taux soient applicables à la compensation de l'État puisque la partie « gelée » des impôts dits de production représente environ 30 % des bases. Cela signifie que si nous augmentions ces impôts économiques, le Gouvernement ne pourrait pas nous opposer l'effet d'aubaine de voir des augmentations de taux compensées par l'État, puisque nous serions bien responsables sur 70 % de nos bases. Nous souhaitons donc que cette question puisse être réexaminée, dès lors que n'est concernée qu'une part d'impôt, non la totalité de l'impôt.

Arnaud Robinet a évoqué la question des budgets annexes, qui n'est pas un sujet annexe et ne le sera pas non plus dans les prochaines années. La situation des AOM est difficile et le sera encore en 2021. Nous souhaitons que les pouvoirs publics puissent élargir les dispositifs opportuns décidés pour l'Île-de-France aux autres AOM, puisque nos budgets généraux contribuent aussi aux AOM.

Reste le sujet des déchets, avec l'augmentation très forte de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur certaines activités, notamment l'enfouissement, dès cette année, qui risque de déséquilibrer certains budgets. Tout cela finit par peser sur nos budgets d'investissement et notre capacité à nous projeter. Je le redis : il faut tenir compte de l'effet décalé dans le temps des impacts de la crise sanitaire et des décisions prises sur la réduction de la dynamique de nos recettes.

J'évoquerai deux sujets pour conclure.

Tout d'abord, depuis le début, nous n'avons jamais demandé que l'État compense nos recettes pour que les effets de la crise nous épargnent. Nous avons, en revanche, demandé une compensation suffisante et une garantie sur nos recettes de fonctionnement pour pouvoir nous lancer résolument dans des plans d'investissement dès le début du mandat, alors que nous savons tous que l'année qui suit le renouvellement des conseils municipaux est traditionnellement une année basse en termes d'investissement. L'enjeu est de savoir si le Gouvernement veut que le plan de relance ait un effet dès 2021 ou s'il est prêt à ce qu'il n'en ait qu'en 2022 ou 2023. Aujourd'hui, nous sommes en train de perdre du temps car le Gouvernement, au lieu d'avoir opté pour une compensation peut-être pas intégrale mais néanmoins garantie de nos recettes, a choisi de soutenir des appels à projets.

Cela aura deux effets. Premièrement, nos capacités d'autofinancement prévisionnelles, qu'elles soient exactes ou pas, vont amener à un peu de prudence dans le choix des investissements, sans décision d'investissement majeure en dehors du renouvellement ou de la fin des investissements précédents. Deuxièmement, nous allons attendre l'issue des appels à projets demandés par l'État. Nous manquons ainsi la possibilité d'une contribution des collectivités territoriales à la relance dès 2021. Il ne faudra pas nous en faire le reproche à la fin de l'année car nous l'avions annoncé dès le milieu de l'année 2020.

Quant aux impôts de production, le concept est trompeur. Si, par impôt de production, on implique toute imposition forfaitaire qui n'est pas liée à l'activité de l'entreprise, toute la taxe foncière, y compris celle des ménages, est un impôt de production. La bonne question est plutôt celle de la juste contribution des entreprises aux charges communes et au budget de nos collectivités territoriales. Considérons-nous que cette contribution est légitime ou bien doit-elle être totalement supprimée à terme ? Dans ce dernier cas, la même question se posera demain pour le reste des impôts économiques. Tel devrait plutôt être l'objet du débat : quel est le niveau normal, ou acceptable, de contribution des entreprises aux charges communes ? Si toute imposition forfaitaire est insupportable pour les entreprises, c'est la base de nos impôts locaux qui est mise en cause.

Il faut y réfléchir en vue des décisions d'investissement lourdes que nous serons amenés à prendre dans les prochains mois, qui devront être réorientées vers la transition écologique et les thématiques d'environnement mais devront également être audacieuses pour pouvoir accompagner le plan de relance.

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