Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, rapporteure :

Ce chiffre démontre bien que l'initiative parlementaire est limitée, et que nous ne pouvons pas adopter autant de textes que nous le souhaitons. C'est la réalité, il faut la regarder en face.

La plupart des propositions formulées par les uns et les autres ne pourront pas être intégrées dans la présente proposition de loi, dont chacun aura compris qu'elle a été élaborée en procédant à l'audition de plusieurs observateurs éminents, tels que des professeurs de droit constitutionnel, experts de nos institutions et de notre régime, et des spécialistes en droit comparé des régimes parlementaires européens. Je tiens à les remercier de leur contribution. Je remercie également ceux qui m'ont accompagnée au cours de ce travail, qui n'est pas simple, s'agissant notamment de la rédaction des amendements.

J'aimerais partager avec vous la teneur de leurs observations. En premier lieu, ils considèrent que la présente proposition de loi lève l'équivoque constitutionnelle et tend à limiter l'élection présidentielle à sa dimension d'onction populaire, tout en conservant la logique et l'objectif des élections législatives.

En deuxième lieu, ils estiment qu'elle tend à un retour non à la IIIe République ou à la IVe, mais aux sources de la Ve République, telle qu'elle a été adoptée en 1958, en vue d'adapter le régime parlementaire en donnant au Président de la République un rôle de garant de nos institutions et d'arbitre des grandes orientations. Fût-il élu au suffrage universel direct depuis la réforme constitutionnelle de 1962, il n'est pas l'homme ou la femme qui décide de tout. Le général de Gaulle, fondateur du régime, a rappelé à plusieurs reprises que le Gouvernement était chargé de ce qu'il appelait les contingences – politique économique, conflits sociaux, fonctionnement des services publics –, le Président de la République assumant la responsabilité de la place de la France sur la scène internationale, de sa défense et, plus largement, des choix fondamentaux engageant son avenir. Les choses sont claires depuis le début.

En troisième lieu, ils ont formulé des observations sur le couple responsabilité/légitimité, qui a été évoqué plusieurs fois ce matin. Nous le savons tous : si nous ne modifions pas la logique de fonctionnement de la Ve République, la crise de confiance entre citoyens et institutions ira en s'aggravant. Certes, bien des modifications sont nécessaires, et auraient pu être envisagées, mais tel n'est pas l'objet de la présente proposition de loi. Je partage certaines propositions formulées dans vos amendements, mais elles sont souvent d'un registre distinct de celui dans lequel s'inscrit le texte. Nous ne pouvons pas aborder tous les sujets. Il s'agit d'esquisser un consensus profitant à tous les groupes et les partis politiques, sans chercher à chambouler l'architecture du régime ni à limiter les pouvoirs propres du chef de l'État ou le champ d'application du suffrage universel. Il s'agit de réaffirmer l'enjeu et de donner envie à nos concitoyens de s'y intéresser, dans un cadre constitutionnel stable.

J'ai pris note du plaidoyer de notre collègue Erwan Balanant en faveur de la proportionnelle, dont il a beaucoup été question au cours des derniers jours. Toutefois, il s'agit d'un texte de fond, portant sur le rééquilibrage des pouvoirs. La proportionnelle est un outil qui ne peut y contribuer. Le débat que nous avons ce matin est nécessaire. Nous devons nous en saisir en tant que parlementaires, sans attendre qu'il soit ouvert d'en haut et que le Président de la République formule des propositions. Si nous avions eu ce débat dans le cadre de la révision constitutionnelle, j'aurais défendu plusieurs amendements en ce sens.

S'agissant de la famille socialiste, ses membres ont toujours eu des analyses diverses de nos institutions. Chaque parlementaire est libre de signer ou non une proposition de loi. Pour ma part, j'ai toujours défendu des positions cohérentes depuis que je suis parlementaire, tant sous la présidence de Nicolas Sarkozy que sous celles de François Hollande et d'Emmanuel Macron. Je n'ai jamais varié. Je suis une universitaire. Je suis profondément attachée au parlementarisme. Je respecte la fonction présidentielle, mais j'estime que l'on est plus intelligent à plusieurs que seul, et que cette fonction est complexe et difficile à exercer pour son titulaire.

Quelle que soit l'issue de nos débats, le fonctionnement de nos institutions doit redevenir un enjeu de débats, et le Parlement un lieu de compromis. Souvent, dans notre pays, les évolutions sont progressives. Les groupes qui composent le Parlement formulent des propositions, qui sont débattues et parfois abandonnées, avant de revenir sur le devant de la scène médiatique à l'occasion d'événements divers et variés, de sorte que les débats initiaux servent de point de départ. Il faut s'en féliciter, et ne pas renoncer, afin de faire évoluer, à terme, la Ve République, dont la crise est inquiétante pour l'avenir.

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