Intervention de Yann-Gaël Amghar

Réunion du mardi 23 juin 2020 à 18h30
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) :

S'agissant de la fraude au détachement, certains éléments relèvent davantage de l'évolution du droit européen, soit dans les conditions d'éligibilité du détachement, soit dans les conditions dans lesquelles la possibilité est reconnue aux les organismes de contrôle de dénoncer le caractère fallacieux des détachements. Ce point me paraît important, mais nous connaissons la difficulté et les délais de mise en œuvre. Nous savons à quel point la rédaction du règlement européen sur la coordination des systèmes de sécurité sociale a été compliquée.

J'insiste cependant sur ce point, d'autant que le sujet du détachement frauduleux a souvent été pris principalement – et on peut le regretter – sous l'angle de son impact en termes de droit du travail, tant dans le débat national qu'au plan européen. La question de savoir s'il est normal ou non d'appliquer à un salarié détaché le droit du travail du pays d'origine ou celui du pays d'emploi est bien sûr un débat d'importance, mais relativement circonscrit dès lors qu'un noyau de règles du pays d'emploi s'applique même en cas de détachement. L'enjeu de risque de fraude aux cotisations sociales ou de dumping social à travers l'application d'un système de sécurité sociale moins protecteur à des salariés qui relèvent de fait du marché du travail français, ainsi que l'enjeu de sécurité sociale, me semblent au moins aussi importants, voire plus importants, que l'enjeu de droit du travail.

En matière de détachement, un axe de progrès important réside selon moi dans les actions de coopération entre institutions de sécurité sociale, étant entendu qu'elles dépendent de la volonté de coopération de ces institutions et des gouvernements concernés. Nous avançons de manière extrêmement facile avec nos homologues belges, alors que nous avançons plus difficilement avec d'autres pays, dont certains voisins de la France.

Dans un cadre plus strictement français, l'axe majeur de progrès, tant dans la détection des fraudes que dans leur répression, réside dans le partage des données entre administrations, ou même entre administrations et partenaires privés. Il me paraît essentiel de pouvoir progresser sur le ciblage. Cela a été mis en avant et réalisé par les lois successives, dont la loi relative à la lutte contre la fraude adoptée l'an dernier, mais nous pouvons encore progresser dans le partage de données avec les administrations fiscale et douanière pour mieux identifier des risques de fraude.

Il existe par exemple un fort enjeu autour du fichier national des interdits de gérer (FNIG), qui est très important notamment pour lutter contre le phénomène des entreprises éphémères, c'est-à-dire des personnes qui créent régulièrement des entreprises pour couvrir du travail dissimulé. Le FNIG, qui est géré par le ministère de la justice, ne peut pas légalement être apparié avec nos données alors que ce serait un moyen important de progresser dans le ciblage des risques de fraude.

En aval, l'amélioration du recouvrement en matière de travail dissimulé constitue un enjeu important. Là aussi, l'accès à différents fichiers nous permet de progresser, qu'il s'agisse du fichier national des cartes grises – notamment pour opérer des saisies conservatoires – ou de fichiers relatifs au patrimoine. La loi relative à la lutte contre la fraude adoptée en 2018 permet des liens importants, dont certains se mettent en œuvre depuis très peu de temps, mais nous devons continuer à progresser dans le partage de données entre organismes pour mieux cibler la fraude et mieux la réprimer.

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