Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 14h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Si cela est faux, réfutez-le ! Je ne manifeste aucun irrespect, je réponds sur le fond. Ce faisant, je réponds à tout ce que je vois écrit ou à ce que j'entends en vue de désespérer la société sur l'état de l'éducation, en faisant référence à des chiffres très anciens. Jugeons sur pièces ! Nous en parlerons au vu du résultat des prochaines enquêtes internationales. Je n'ai jamais affirmé que la situation serait rétablie par un coup de baguette magique. En revanche, les évaluations nationales montrent un début de rebond de l'enseignement primaire et il serait dommage qu'il n'existe pas un consensus national autour de cette bonne nouvelle.

Vous avez dit que le budget de l'éducation nationale avait augmenté de plus de 7 milliards d'euros sous le quinquennat de François Hollande. Je réfute ce chiffre. C'est une donnée mathématique aisément vérifiable. Cela étant, votre raisonnement visait à dire qu'on avait dépensé beaucoup d'argent pour aucun résultat. Je vous invite à distinguer les deux quinquennats. Sur le plan quantitatif, il y a eu plus durant le quinquennat actuel, ce qui est mathématiquement démontrable, et, sur le plan qualitatif, le niveau des élèves est largement meilleur, ce qui est également mesurable.

Un rapport de la Cour des comptes s'inquiétait, à juste titre, d'un éventuel cloisonnement de l'enseignement professionnel. Même si des progrès restent à réaliser, la formulation est sévère. Resserrer le lien entre l'enseignement professionnel et les entreprises était au centre de la première université école-entreprise organisée il y a deux semaines. Nous ne partons pas de zéro, mais nous sommes sur la voie de progrès importants. L'élève auquel nous consacrons le plus de moyens, dans ce budget comme dans les précédents, c'est le lycéen professionnel, dont nous entendons développer l'apprentissage sous statut scolaire. J'ai insisté sur le fait qu'on ne doit jamais opposer apprentissage et enseignement professionnel et scolaire mais, au contraire, les articuler. Pour avoir un modèle français original et efficace, nous devons entremêler enseignement professionnel scolaire et apprentissage. Les quatre‑vingts Campus des métiers que nous avons développés illustrent cette volonté d'articulation au bénéfice des élèves. C'est l'occasion pour moi, à l'unisson de ce que vous avez dit, de saluer l'importance de cet enseignement au regard des enjeux technologiques et de réindustrialisation de notre pays.

Madame Bannier, merci d'avoir relevé ce qui s'est passé à l'école maternelle, qui n'est pas une révolution mais une évolution importante, et d'avoir explicitement mentionné l'importance de l'enseignement du vocabulaire. Les évaluations de début de CP fournissent des indications riches et utiles, que les classes de grande section prennent de plus en plus en compte, année après année, afin de lutter contre les inégalités par la lutte contre les inégalités de vocabulaire et le volontarisme éducatif.

Merci aussi de ce que vous avez dit sur l'école inclusive, l'éducation artistique et culturelle, ainsi que sur les créations de places en BTS, qui résonnent avec ma réponse à M. Reiss sur l'enseignement professionnel. N'oublions pas que, durant ce quinquennat, nous avons accru le pourcentage d'élèves venus de lycées professionnels admis en BTS, ce qui est logique avec ce que nous disons sur l'ambition et la force de l'enseignement professionnel. Vous avez d'ailleurs souligné la réussite de l'enseignement agricole en BTS. Ces créations de places sont importantes pour l'avenir de notre pays, parce que le niveau bac + 2, pour des techniciens supérieurs ou d'autres catégories, correspond à des emplois et à des cursus prisés des bacheliers professionnels.

Vous avez raison de m'interpeller sur l'attractivité du métier de professeur et son prestige. Au cours du temps, nous effacerons l'idée qu'être professeur, cela paie mal. Nous avons voulu mettre l'accent sur le début de carrière, où le retard était le plus grand. Je rappelle que le rythme de hausse de 500 millions d'euros par an, en plus des augmentations naturelles, est envisagé sur plusieurs années. La majorité issue des élections de 2022 prolongera ou non cette courbe. Si j'y ai quelque rôle, c'est évidemment ce que je défendrai, parce que ce rythme permet, de manière soutenable, un rattrapage nécessaire pour l'ensemble des professeurs, en début, milieu et fin de carrière. Je suis optimiste sur le rôle et le prestige du professeur en France au XXIe siècle. Je ne doute pas de la possibilité de rebond, pour une série de raisons, dont celle que vous avez évoquée, c'est-à-dire son rôle que toute la société française a pu constater à l'occasion de la crise sanitaire.

Madame Tolmont, vous estimez que le taux d'encadrement s'est effondré. Nous sommes la seule majorité qui puisse se prévaloir, dans chaque département de France, rentrée après rentrée, d'une amélioration du taux d'encadrement à l'école primaire, pendant le quinquennat. Il est historiquement favorable, et ce sera encore plus vrai en septembre 2022, Je ne vois pas sur quoi vous vous basez pour parler d'inégalités accrues. D'ailleurs, l'intervention de Pierre-Yves Bournazel suffit à le réfuter, puisqu'il constate sur le terrain, dans le XVIIIe arrondissement ou ailleurs, que les inégalités sont combattues à la racine par les dédoublements. En tout cas, vous ne pouvez pas nier que les inégalités constatées par le classement PISA sont plus imputables au quinquennat 2012-2017 qu'à celui de 2018-2022.

Vous estimez que nous avons abandonné le protocole PPCR. Les augmentations budgétaires de 2018 à 2022, en incluant le budget que nous vous présentons, sont largement supérieures à celles du quinquennat précédent et injectées en masse salariale. De quelque côté que l'on aborde le sujet, la masse salariale a nettement plus augmenté pendant ce quinquennat que pendant le précédent. Le PPCR n'avait pas que des qualités. Il présentait des rigidités. Il est heureux que nous ayons trouvé des méthodes ciblant davantage les difficultés, notamment en commençant par améliorer les salaires des plus jeunes.

Monsieur Bournazel, vous avez soulevé un sujet dont on parle trop peu, celui de la mobilité des élèves. Rappelons que le Président de la République avait lui-même affiché, dans son discours de La Sorbonne, en 2017, la volonté d'un doublement du budget du programme Erasmus. Il y eut ensuite les élections européennes, la constitution de la nouvelle Commission et l'augmentation de 80 % du budget alloué à Erasmus. Nous nous sommes notamment fixés pour priorité de viser les lycéens professionnels et les apprentis, de façon à ce qu'Erasmus ne bénéficie pas seulement aux élites étudiantes, mais, de manière équitable sur le plan social, à toute la population. C'est pourquoi nous jumelons des Campus professionnels. Cette mobilité concerne aussi les professeurs. Le rapport de la députée européenne Ilana Cicurel viendra à l'appui des mesures que nous prendrons dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, afin d'assurer une plus grande systématicité de la mobilité des futurs professeurs dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ), notamment grâce à des jumelages, mais aussi des professeurs actuellement en poste dans différents contextes.

S'agissant de la dotation attribuée aux communes au titre de l'instruction obligatoire à 3 ans, il est trop tôt pour consolider quelque résultat que ce soit. Nous recevons les dossiers des communes et, d'ici peu, nous serons en mesure de faire un premier bilan. Rappelons que ces mesures sont envisagées sur une période transitoire et que tout ceci a vocation à être consolidé budgétairement dans le cadre des dotations de l'État aux collectivités territoriales.

À l'issue de la présente audition, je me rendrai au Sénat pour l'examen de la proposition de loi dite Rilhac. Vous avez raison, madame Descamps, nous devons avancer sur l'aide administrative en reconnaissant l'engagement et l'implication de toute la chaîne, incluant l'État et les collectivités locales. Nous avons déjà amélioré la décharge des directeurs et directrices d'école en cette rentrée, et les mesures prises concernent 40 % des directrices et directeurs d'école.

Je vous remercie d'avoir souligné la création de 4 000 postes d'AESH supplémentaires. Vous avez raison de dire que la mutualisation n'est pas souhaitable pour tous les élèves. Ce n'est d'ailleurs pas ce que nous faisons. C'est l'intérêt des PIAL : ils prévoient la mutualisation quand c'est pertinent et l'aide individuelle quand cela l'est. Les observations de terrain montrent qu'on peut toujours mieux allouer les ressources. Ces dernières sont nombreuses et personne ne peut contester leur augmentation considérable. Il ne s'agit pas de faire des économies budgétaires, mais d'utiliser nos moyens de manière pertinente.

Vous avez souligné les faiblesses persistantes de notre santé scolaire. Vous avez raison, nous avons encore d'importants progrès à faire, notamment en matière d'attractivité. Il existe des perspectives d'amélioration pour la rémunération des médecins scolaires et des infirmières scolaires, mais je reconnais que le chantier de la santé scolaire reste à consolider, en relation avec la médecine du reste de la société, puisque certains problèmes ne peuvent être résolus sans véritable coopération. Nous l'avons vu dans le champ du handicap grâce aux progrès réalisés dans la coopération entre le secteur médico-social et l'éducation nationale. Les PIAL servent à cela aussi. C'est vrai aussi des services de protection maternelle et infantile (PMI) et de la systématisation des visites médicales.

À mon arrivée, madame Ressiguier, il y avait une fuite importante des élèves de l'enseignement public vers le privé, puis – les chiffres sont implacables – les flux vers l'enseignement privé se sont taris dès que nous avons annoncé le rétablissement des classes bilangues dans le secteur public et que nous avons agi sur l'offre, c'est-à-dire sur l'attractivité des écoles et des collèges publics. Il y a les mots, les actes et les résultats. Dans votre logique, cela devrait vous réjouir. Je ne vous demande pas de me féliciter, car mon optimisme a ses limites – peut-être lors d'un deuxième quinquennat, la méditation de pleine conscience m'incitant à l'utopie.

Le taux d'encadrement reste notablement plus défavorable dans l'enseignement privé sous contrat que dans l'enseignement public. Cela a peu évolué lors du quinquennat, soulignant qu'il n'existe pas de privilège pour le privé. D'aucuns se plaignent même que certains contrats soient moins bien payés. La structure des emplois est différente. Les cotisations plus élevées dans le privé peuvent expliquer une plus forte augmentation des crédits que dans le public mais, les chiffres le montrent, aucune politique ne vise d'une quelconque façon à privilégier le privé.

Madame Faucillon, veillons à nuancer nos propos, car nous n'avons pas intérêt à durcir les débats. Ne faisons pas semblant d'entendre des propos qui n'ont pas été tenus. J'assume pleinement d'avoir radié des personnels caractérisés par la radicalisation islamiste. Y êtes-vous hostiles ? La phrase prononcée hier visait ce type de cas. Il est tout à fait normal qu'un fonctionnaire de la République qui s'est mis dans cette situation ne soit plus fonctionnaire de la République. Entendez ce que je vous dis. Ne cherchez pas à lui donner une portée autre. Depuis le début du XXe siècle, un fonctionnaire a des droits et des devoirs, lesquels prévoient le respect des valeurs de la République, déclinées en un certain nombre de règles. Tous les agents de la fonction publique le savent. Sur 850 000 enseignants, il est possible que quelques-uns aient un problème avec ces valeurs, regardons les choses en face. Les hussards noirs de la IIIe République, que nous louons tous, n'avaient aucun problème avec l'idée que j'ai exprimée hier. Ils défendaient les valeurs de la République. Ce que j'ai dit est assez banal et n'a rien de scandaleux. Ne cherchons pas à faire comme si tous les professeurs avaient été visés par cette phrase. Consultez le verbatim et vous constaterez qu'il n'en est rien.

Le recrutement passe par l'attractivité, conformément aux enjeux du Grenelle de l'éducation. Nous résoudrons progressivement ce problème, qui se pose dans beaucoup de pays. À cela s'ajoutent des politiques spécifiques. J'en soulignerai une qui date de cette rentrée. Elle est concrète et constatable, même si elle ne porte ses fruits que dans la durée. Il s'agit de la création de classes préparatoires au professorat des écoles, particulièrement bénéfiques pour les élèves issus de territoires défavorisés, et qui permettent à des étudiants, dès l'année bac + 1, de se disposer d'une bonne formation en français, en mathématiques et dans les autres disciplines nécessaires dans le premier degré.

Madame Calvez, merci d'avoir souligné la création de postes de vie scolaire, souvent réclamés, car nous avons besoin de CPE et d'assistants d'éducation dans le système scolaire. Madame Meunier estime que c'est une forme de compensation au moindre nombre de professeurs. Je l'assume par constat de terrain des besoins exprimés, sachant que la vague démographique négative du premier degré est déjà en train d'arriver dans le second degré.

De même, madame Dubois, la décrue des effectifs de professeurs d'éducation physique et sportive s'est expliquée par la nécessité de résorber un surnombre. Nous arrivons à l'équilibre et la discipline est prioritaire, non seulement dans la perspective des jeux olympiques, mais au regard des enjeux de santé publique et d'épanouissement des élèves. Rappelons qu'à la rentrée, l'EPS est devenue un nouvel enseignement de spécialité en lycée, ce qui suppose des heures postes.

Madame Meunier, je n'ai pas les chiffres d'encadrement en Corrèze mais, de mémoire, ils sont assez favorables.

Monsieur Le Bohec, la méditation de pleine conscience est un sujet sérieux. Je me suis déclaré ouvert à l'expérimentation, dès lors qu'elle est encadrée pour ne pas tomber dans les éventuels travers dont certains ont pu s'inquiéter.

Monsieur Bois, je vous remercie d'avoir souligné l'importance de l'éducation artistique et culturelle. L'introduction du pass culture dans notre système scolaire, dès le mois de janvier, à partir de la classe de quatrième, est révolutionnaire. Elle permet non seulement une dépense culturelle individuelle par des jeunes, mais aussi une dépense collective. Nous y avons travaillé avec Roselyne Bachelot que je remercie. Concrètement, 25 euros par élève et par an pour chaque classe de France à partir de la classe de quatrième pourront être consacrés à l'éducation artistique et culturelle, soit 800 euros par an pour une classe de trente-deux élèves. Nous donnons du pouvoir aux professeurs et aux chefs d'établissement pour qu'ils organisent des sorties artistiques et culturelles.

Enfin, vous le savez madame Charrière, j'ai toujours été favorable aux microlycées, ces structures qui permettent le retour à l'école d'élèves décrocheurs. Le Président de la République a souligné leur importance en préconisant le développement de microcollèges et de microlycées à Marseille. Le budget 2022 permettra leur déploiement. Nous maintenons l'objectif d'au moins un établissement par département.

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