Intervention de Sereine Mauborgne

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSereine Mauborgne, rapporteure pour avis (Préparation et emploi des forces terrestres) :

Alors que nous commençons l'examen du cinquième budget de la législature et du quatrième budget de la LPM, j'aurai à cœur de vous annoncer d'excellentes nouvelles.

La loi de programmation militaire se devait d'être une loi de réparation et une loi à hauteur d'homme. Trois ans après son adoption, tous les soldats de l'armée de terre ont pu constater une amélioration de la disponibilité technique des matériels et la livraison de nouveaux équipements, y compris individuels, qui améliorent considérablement les modalités générales d'exécution du service. Ces efforts, combinés à ceux de l'ensemble du ministère dans le cadre du plan Famille et à des mesures volontaristes comme la prime de lien au service (PLS), parviennent à fidéliser davantage nos militaires. C'est avéré : les taux de renouvellement de contrat augmentent pour toutes les catégories.

Un cercle vertueux est ainsi engagé. En 2020, l'armée de terre a économisé 47 millions d'euros, car la PLS lui a évité de recruter et de former 800 militaires du rang et 200 sous-officiers, l'équivalent d'un régiment entier ! En 2022, pour la première fois depuis 2015, l'armée de Terre réduira, volontairement, ses recrutements de 10 %, eu égard à ces excellents résultats en matière de fidélisation. Outre les économies ainsi obtenues, ce sont surtout de meilleures conditions d'hébergement et de formation qui seront offertes aux prochaines recrues. Cela contribuera peut-être à réduire le taux de dénonciation dans les premiers mois du contrat, celui-ci pouvant encore être amélioré.

Autre indicateur du changement : 78 % des soldats de l'armée de terre jugent leur moral bon, voire excellent, grâce aux livraisons d'équipements, au style de commandement et à des opérations jugées gratifiantes, selon le chef d'état-major de l'armée de Terre (CEMAT).

L'engagement opérationnel reste soutenu, faisant de la conciliation entre travail et vie personnelle, notamment familiale, un défi toujours plus grand. Le nombre de jours passés en dehors du domicile est en moyenne de 143. Le ramener entre 120 et 40 jours le rendrait soutenable, selon l'état-major de l'armée de Terre. L'intensité de l'engagement opérationnel a également pour conséquence de compresser le temps disponible pour la préparation opérationnelle, et cela devrait durer encore deux ans au moins. Le maximum de leviers doit être actionné pour en libérer.

Je m'arrête un instant sur la dureté de l'engagement, qui a coûté la vie à trois de nos militaires et des blessures à quarante et un autres, cette année ; en 2020, on avait déploré seize tués et trente-trois blessés.

Le PLF 2022 est d'une importance cruciale pour l'armée de Terre qui est sur le point d'entamer sa modernisation avec la commande de 500 blindés, de 54 MEPAC (Griffon intégrant un mortier), de chars Leclerc rénovés et de Serval.

Le chef d'état-major de l'armée de Terre a été clair : la réalisation du programme Scorpion à l'horizon 2025 ne sera pas exactement de 50 %, comme prévu dans la LPM, mais de 45 %. Cet ajustement de la trajectoire permettra de traiter les obsolescences du char Leclerc – notamment la turbomachine et le viseur –, dont nous avions été plusieurs à signaler l'importance l'année dernière, et de garantir le lancement de l'engin du génie de combat (EGC) et du véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE). C'est un ajustement mineur qui ne remet pas en cause l'ambition du programme dans son ensemble mais, au contraire, en renforce la cohérence.

Cette modernisation s'accompagne d'une augmentation des ressources, qui sont portées à 10,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à près de 9 milliards en crédits de paiement ; 1 milliard en crédits de paiement sera consacré à l'entretien programmé du matériel (EPM). Une nouvelle vague de marchés dits « verticalisés » sera conclue pour les flottes d'hélicoptères Gazelle, Caïman et Puma.

La sous-exécution des crédits dédiés au petit équipement sur le programme 146 a pris fin en 2019, ce dont je me réjouis : l'exécution 2021 devrait dépasser 450 millions d'euros, et donc dépasser largement les crédits prévus en loi de finances initiale, ce qui constitue une forme de rattrapage. Le budget des équipements d'accompagnement et de cohérence (EAC), retracé sur le programme 178, est lui aussi en hausse : il augmente de 9 % en 2022.

Au vu de ces excellentes nouvelles, j'espère que vous voterez, comme moi, en faveur de ce budget ambitieux pour 2022, crucial pour nos forces terrestres qui, elles, ne s'abstiennent pas au combat.

J'en viens à présent à la partie thématique de mon avis budgétaire, qui concerne la simplification, un des leviers identifiés par le général Thierry Burkhard pour rehausser le niveau de préparation opérationnelle.

L'originalité de cette démarche réside dans sa finalité : redonner du temps opérationnel aux chefs tactiques en réduisant les procédures à faible valeur ajoutée et hors du champ du métier des armes. Distincte de la simplification administrative menée à l'échelle du ministère, elle a été confiée à une « task force simplification » chargée d'appliquer une méthode dite « bottom-up » – du terrain aux états-majors – s'appuyant sur la diffusion d'un questionnaire, la mise à disposition d'un portail de simplification, l'organisation d'un « hackasprint » avec l'École de guerre-Terre, l'installation de vingt-huit ateliers de terrain et des visites au sein de douze régiments et de quinze états-majors.

Au terme de sa première année, la task force a déjà recensé 300 irritants, qu'elle a classés en sept môles de complexité : l'excès de prudence, une centralisation et un contrôle a priori excessifs, la disproportion entre les enjeux et le temps, la lourdeur des procédures, l'insuffisance de la numérisation, l'inadaptation des normes à la spécificité militaire, un accès aux ressources parfois manquant.

Le CEMAT a d'ores et déjà entériné soixante mesures de simplification. La représentation nationale doit s'intéresser à cet effort. Dans nos travaux de contrôle, dans le lien que nous établissons entre la société civile et les armées, nous pouvons contribuer à diffuser l'idée qu'il doit exister une culture du risque et une autonomie du chef propres à l'institution militaire.

Parmi les quatorze premiers irritants figure le manque de certaines ressources qu'il faudrait prioritairement combler, notamment en cas de crise. J'ajoute que plusieurs mesures de simplification entérinées par le CEMAT requièrent des moyens dans le domaine logistique ou en matière de numérisation.

J'ai découvert que beaucoup d'irritants étaient liés à l'application de normes civiles. Par exemple, l'armée de Terre doit demander une dérogation pour obtenir le droit de ne pas apposer sur ses blindés des étiquettes signalant les angles morts, comme l'impose la réglementation relative à la signalisation des angles morts sur les véhicules dont le poids total autorisé en charge excède 3,5 tonnes. L'armée a acheté les étiquettes – pour un montant estimé à 50 000 euros tout de même –, car les militaires sont respectueux des règles, mais personne ne s'est demandé si on ne se livrait pas là à une surinterprétation du texte. Également, l'adaptation des bâtiments à la circulation des personnes à mobilité réduite – places de stationnement, ascenseurs, rampes d'accès… – est citée de manière récurrente comme une norme rigide et coûteuse. À l'état-major de la 1re division à Besançon ou à Satory, chez les maintenanciers militaires, personne n'a jamais utilisé ces installations qui ont pourtant coûté des millions d'euros. Les chefs préféreraient adapter chaque poste de travail au handicap du maintenancier qu'il a en face de lui. Cela n'est pas possible aujourd'hui, faute de subsidiarité.

Autre exemple, en Guyane, l'armée de Terre n'a pas pu obtenir de dérogation préfectorale au contrôle technique volontaire des chronotachygraphes des poids lourds. Dans la mesure où il n'y existe pas d'organisme de certification de ces appareils sur place, cela imposerait le retour en métropole des véhicules spéciaux non spécifiques de plus de 3,5 tonnes, tels que les porteurs polyvalents terrestres (PPLOG) ou les sherpas citerne. Il faut une décision préfectorale, dans chaque territoire d'outre-mer, pour déroger à la règle.

Je formulerai, dans mon rapport pour avis, quelques propositions ou réflexions pour lutter contre ce nouvel ennemi des armées qu'est la complexité. Je saisirai cette occasion pour porter le sujet des irritants relevés par l'armée de Terre dans des enceintes interministérielles. Je milite depuis deux ans pour que nous nous dotions d'un tronc commun à l'ensemble des ministères pour les formations de secourisme et de lutte contre l'incendie. Cela permettrait aux réservistes et aux militaires formés par les armées de se prévaloir d'une compétence valable dans le civil et, ainsi, d'améliorer leur employabilité. Il me semble que cette démarche contribuerait à la résilience de l'ensemble de la nation.

J'exprime à nouveau un avis très favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense pour 2022.

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