Intervention de le général Stéphane Mille

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général Stéphane Mille :

Barkhane n'est pas un format. La question est celle de notre ambition et des objectifs que nous fixons à l'opération Barkhane. Je ne soutiendrais pas la réduction du format de Barkhane si les objectifs actuels étaient maintenus. L'adaptation du format se fera naturellement si les ambitions sont révisées. Avant de parler d'adaptation du format, il faut s'interroger sur l'objectif car il est illusoire de penser que nous pourrions conduire les mêmes actions dans un format réduit.

Sur le moral des troupes sur le terrain, je suis toujours frappé de constater qu'elles sont toujours aussi engagées et combatives, malgré les événements marquants que nous avons évoqués. Perdre un camarade au combat marque les troupes, mais la mission continue.

Existe-t-il une concurrence entre Sabre et Barkhane ? Le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) peut avoir à rendre quelques arbitrages, mais leur nombre reste très limité. J'ai rarement à intervenir pour donner la priorité à telle ou telle mission, car les décisions sont prises en bonne intelligence par les deux commandants de force, qui échangent sur l'objectif de l'opération et les motifs de mobilisation des moyens. La coordination s'opère donc naturellement.

Je n'ai pas rencontré de difficulté de coordination avec la DGSE. Grâce au lien étroit que j'entretiens avec la DGSE, nous échangeons sur ce sujet, si nécessaire.

Sur le char Leclerc, l'hypothèse de son déploiement au Mali n'est pas à l'ordre du jour. En effet, nous avons engagé les armées maliennes dans la voie de la réactivité, de la mobilité et de la légèreté en formant les ULRI, qui sont équipées de pickups et de motos. Puisqu'on a coutume d'opposer protection et mobilité, je note que depuis leur engagement, cela n'a pas occasionné de difficultés particulières. L'utilisation éventuelle du char Leclerc n'est donc pas étudiée.

S'agissant des drones armés, je n'ai pas suivi toutes les déclarations faites dans la presse. Je crois que les 80 % évoqués concernaient, non pas les seuls drones armés, mais toutes les opérations relevant de la troisième dimension, hélicoptères inclus. Mais le tout s'intègre dans une manœuvre interarmées, multi-champs, multi-milieux où chacun a sa place et concourt au résultat d'ensemble. En tout cas, l'arrivée des drones armés modifie notre capacité. Il s'agit principalement de drones d'observation, armés pour saisir des opportunités fugaces. Nous ne disposions pas de cette possibilité jusqu'à présent. La complémentarité est liée à ce que je viens de dire. Dès lors que le drone peut rester pour observer et qu'on a le temps d'envoyer les Mirage 2000D, ce mode d'engagement est préférentiel. Car le drone permet à la fois d'ouvrir le feu et d'en surveiller les effets. Son autonomie est un paramètre important pour le maintenir sur la zone. Si une opportunité se présente et qu'elle est fugace, le fait qu'il soit armé est intéressant.

Je retiens que l'EIGS est plutôt mû par des ressorts idéologiques, de par son allégeance à Daech ou la recherche du califat, alors que le RVIM est mû par des ressorts politiques visant une alliance entre groupes terroristes et un agenda d'extension à l'échelle de la région. Les deux logiques sont aussi dangereuses l'une que l'autre pour les populations, dont la protection est au cœur des préoccupations des forces qui agissent au Mali. Nous avons concentré notre activité de l'année 2020 sur l'EIGS, mais lors des dernières opérations, des opportunités se sont présentées sur les franchises du RVIM. L'une et l'autre organisation sont aussi dangereuses dès lors qu'elles sont dans une phase d'expansion.

Je rappelle que le sommet de Pau nous a fixé pour objectif de nous concentrer sur la région des trois frontières. Nous n'avons pas les moyens de nous occuper de la totalité du Mali. Ceux d'entre vous qui se sont déplacés sur le théâtre ont vu l'immensité de la zone. Néanmoins, les 5 000 hommes de Barkhane, les effectifs de la MINUSMA et l'EUTM, ainsi que les armées de nos partenaires africains contribuent là où ils sont déployés au règlement de la situation dans le domaine militaire.

Concernant le coup d'État et la libération des terroristes, j'ai dit en introduction que je n'avais pas noté d'infléchissement de la volonté des autorités militaires de poursuivre l'action engagée par Barkhane. Je peux comprendre que l'on s'interroge sur l'état d'esprit réel des autorités politiques, mais pour ce qui concerne les autorités militaires que j'ai rencontrées longuement, la semaine dernière à Bamako, il existe un alignement total de vues du chef d'état-major général des armées du Mali (CEMGA), des chefs d'état-major, des commandants de théâtre et des commandants de secteur sur la mise en place d'un cycle opérationnel, le réinvestissement des camps du Liptako pour consolider les gains de Barkhane, la poursuite du combat contre le terrorisme au côté de Barkhane, etc. Notez en outre que les autorités militaires ont clairement mentionné comme première préoccupation l'organisation des élections dans un an.

Les Danois avaient annoncé dès le départ qu'ils étaient là pour un an et qu'ils réorienteraient ensuite leurs moyens vers le Levant. Nous sommes à la recherche de partenaires de remplacement dans Barkhane ou en soutien direct de la Task Force Takuba. La France n'est pas seule au Sahel. Takuba est déjà un premier succès et sera un succès complet quand nous aurons obtenu la pleine capacité de la force. C'est pour bientôt. Des pays vont progressivement s'y agréger. Les Estoniens sont déjà présents, les Tchèques arrivent prochainement, les Suédois au premier semestre 2021. D'autres nations sont déjà annoncées, qui pourraient venir avec des moyens aussi précieux que ceux perdus après le départ des moyens héliportés danois. J'attends confirmation de la date d'arrivée des Italiens qui manifestent l'intention de venir avec un volume significatif d'hélicoptères.

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